Harper Lee, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, traduit de l’américain par
Isabelle Stoïanov, publication 1960.
J’étais pleine de préjugés, mais
je me suis régalée !
Scout, petite fille vivant dans
l’Alabama des années 30, raconte – si l’on en croit la première phrase – les
circonstances qui ont mené à ce que son frère ait le bras cassé. Mais ce n’est
pas vraiment de cela dont il s’agit. Elle remonte deux ou trois ans avant les
faits, quand son frère et elle craignaient de s’aventurer près d’une maison
hantée, et quelques mois auparavant quand son père avocat est commis d’office
pour défendre un noir accusé du viol d’une blanche.
À Maycomb, si l’on sortait se promener sans but précis, on passait pour n’avoir pas le cerveau très précis non plus.
La grande force de ce livre
réside dans sa narratrice et sa narration. Le récit est mené a posteriori par une enfant ou une
adolescente, qui passe d’un épisode à l’autre sans forcément expliquer au
lecteur ce qu’elle-même ne comprend pas, qui intercale ses soucis d’enfant avec
ceux de son père et qui semble plus raconter ses années d’enfance qu’un épisode
de la lutte pour les droits civiques.
Photos de l'exposition Colour Line qui se tient au Quai Branly. |
Il est très plaisant de suivre
les enfants dans leurs jeux, dans les histoires qu’ils se racontent au sujet
d’une maison hantée, leurs désobéissances, leur vie en cachette des adultes (le
roman se situe tout à fait dans la digne suite de Tom Sawyer sur ce point).
Tandis que le grand frère devient peu à peu un adolescent, une tante entreprend
des efforts pour faire de la petite fille bagarreuse une dame. L’histoire que
le lecteur attend, celle dont il a entendu parler, arrive doucement, par
inadvertance : on a appris que l’avocat a été commis d’office. Peu à peu
le procès à venir va prendre de plus en plus de place dans le récit et
contaminer l’ensemble du roman avant que la petite ville ne se rendorme comme
avant (ou presque).
Excellente expo, il faut y aller ! |
L’autre réussite réside dans la
complexité des personnages qui évoluent au fil des pages et des événements. Les
enfants ont des positions ambiguës vis-à-vis des noirs, puisqu’ils ont les
préjugés propres à leur temps tout en recevant les leçons de leur père qu’ils
comprennent plus ou moins bien. J’ai été intéressée également par la tante
Alexandra qui apparaît tout à bord comme une femme rigide, mais qui montre à
Scout quelle utilité cela a d’être une « dame » quand on doit vivre
en société.
Le point gênant est la vision du
viol qui est donné par le roman, même si elle est malheureusement réaliste et
s’intègre parfaitement dans l’ensemble.
J’ai noté également l’importance
des différences de langue entre la famille de Scout, les blancs pauvres au
vocabulaire limité, les noirs entre eux et les noirs parlant au sein des
familles blanches. Le roman fait entendre ces distinctions sociales.
- Tu défends les nègres,
Atticus ? lui demandai-je le soir même.
- Bien sûr. Ne dis pas
« nègre », Scout, c’est vulgaire.
- Tout le monde dit ça, à l’école.
- Désormais, ce sera tout le monde
sauf toi…
- Eh bien, si tu ne veux pas que je
parle de cette manière, pourquoi m’envoies-tu à l’école ?
Mon père me regarda, l’air amusé.
Immense roman !!!
RépondreSupprimerVi vi vi.
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