La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



lundi 5 décembre 2016

Quand le soleil disparaissait derrière le mur, c’était fête pour les idiots.

Horacio Quiroga, Contes d’amour de folie et de mort, traduit de l’espagnol (Uruguay) par Frédéric Chambert, parution originale en 1917, édité en France chez Actes Sud.

Des nouvelles étranges et fascinantes.

Ces nouvelles prennent place dans l’Amérique du Sud du début du XXe siècle, dans de grandes propriétés luxuriantes, ou dans des déserts arides, ou dans les villes les plus modernes. Nous côtoyons de très riches familles, des péons qui n’ont que leur force de travail à vendre, mais certaines nouvelles ont pour héros des chiens ou des chevaux.

Et c’est extraordinaire comme son corps, de la pointe de ses chevaux aux talons de ses souliers, était un vivant désir, et comment, en traversant le halle pour rentrer dans la pièce, chaque mouvement de sa jupe contre le dallage pouvait traîner mon âme après elle comme un chiffon de papier.

Il est question du travail des pauvres, de leur exploitation, de la violence des rapports sociaux. Les récits qui prennent place à la campagne font penser à Maupassant, qui peint de la même façon un monde froid et cruel, sans qu’aucun effet ne souligne la violence des faits et des émotions. Certaines nouvelles flirtent avec le fantastique en mettant le doigt sur les gouffres qui s’ouvrent dans l’âme humaine. Mais la nature est plus violente dans ces régions : le soleil, la sécheresse, les serpents, les fourmis noires peuvent modifier le cours d’une vie.
La langue mêle un froid réalisme cruel à l’expression de passions violentes.
Ce recueil procure donc un certain malaise au lecteur, qui frissonne devant l’inexplicable.
 
Monteiro Vicente do Rego, La chasse, 1923, Centre Pompidou,  M&M
L’atmosphère aveuglante de la lumière excessive du soleil pendant le jour, acquérait dans cette pénombre une transparence presque funèbre. Le vent avait complètement cessé et dans le calme du soir, quand le thermomètre commençait à tomber rapidement, la vallée gelée exhalait son humidité pénétrante qui se condensait tout au fond en un ruban de brouillard entre les deux versants. Sur la terre maintenant refroidie, l’odeur hivernale des pâturages brûlés renaissait ; et quand le chemin longeait la forêt, l’air, que l’on sentait tout à coup plus froid et plus humide, se chargeait à l’excès d’un lourd parfum de fleur d’oranger.


Bon pour le défi Amérique du Sud d’Eimelle.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

J'aime beaucoup cet auteur. C'est tellement étrange que c'est intemporel et donc passe le temps sans prendre une ride. Je crois que "La poule égorgée" fait partie de ce recueil : un vrai bonheur !

nathalie a dit…

J'ai été un peu déstabilisée par certaines nouvelles, je dois bien avouer, mais oui les récits sont percutants ! Une découverte.

eimelle a dit…

cela a l'air plutôt étrange... merci pour le challenge!

nathalie a dit…

Ça l'est !

Ingannmic, a dit…

Voilà qui m'intrigue, et me tente au plus haut point. Je note, merci pour le billet. L'extrait est très alléchant...

nathalie a dit…

Je crois qu'il y a une adaptation BD récente aussi, si cela te tente.