La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 26 janvier 2017

Ce cœur, si c'en était un, ne s'échaufferait que pour une trahison.

Jacques Cazotte, Le Diable amoureux, 1772.

Un joyeux militaire se vante de pouvoir tirer les oreilles du Diable s'il lui apparaissait. Un peu vantard ? Un ami, versé dans les secrets de la Cabale, lui procure l'occasion grâce à quelques formules magiques prononcées dans la grotte de Portici près de Naples. Une tête monstrueuse apparaît, puis un gentil petit chien et enfin la délicieuse et sans défense Biondetta. Commence pour notre héros une singulière aventure.

L'odieux fantôme ouvre la gueule, et, d'un ton assorti au reste de l'apparition, me répond : Che vuoi ?
Toutes les voûtes, tous les caveaux des environs retentissent à l'envie du terrible Che vuoi ?
La délicieuse Biondetta ? Une beauté représentée par R. Carriera, pastel conservé à Genève, M&M.
Il s'agit d'un des premiers textes fantastiques français. Son héros est un jeune homme sympathique, rusant avec lui-même, hésitant à s'avouer son amour pour une créature effrayante mais tellement charmante. Il n'est ni faible ni vantard, mais pousse l'expérience jusqu'à l'extrémité la plus dangereuse. L'analyse psychologique du héros est plutôt fine puisqu'il conserve toute sa lucidité sur  ce qui est en train de lui arriver tout en étant incapable d'y résister. Ce roman travaille donc le thème de la tentation vieille comme Saint Antoine. Ici le Diable, tout d’abord effrayant et grotesque, se dissimule sous la plus céleste beauté. Mais, originalité, la fin est une réussite puisque le lecteur reste dans le même état d'incertitude que le héros – franchement, bien malin (le Malin ?) qui saura où est le vrai de l’histoire.


Mes défiances s'étaient renouvelées sur les desseins de l'être dangereux dont j'avais agréé les services. Je ne savais pas décidément si je pourrais l'éloigner de moi ; en tout cas, je n'avais pas la force de le vouloir. Je détournais les yeux pour ne pas le voir où il était, et le voyait partout où il n'était pas.


5 commentaires:

Lili Galipette a dit…

J'ai beaucoup aimé ce texte !!! Ta conclusion est très juste.

nathalie a dit…

Je trouve que ce texte est vraiment bien construit. Si le début est plutôt classique (enfin, parce que tous les successeurs ont fait un truc ressemblant ensuite), la fin est beaucoup plus originale.

Arieste a dit…

Ce n'est pas la première fois que j'en entends parler, mais je ne l'ai jamais lu, il va falloir que je le fasse :)

nathalie a dit…

Il existe en numérique en plus, pourquoi se priver ?

claudialucia a dit…

Un livre que j'ai lu il y a si longtemps. J'avais oublié l'histoire.