La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 2 juin 2017

Inférieure comme femme, une femme de province est encore inférieure par son mari.

Honoré de Balzac, des nouvelles et des courts romans.

La Muse du département, 1837. 
Court roman qui se déroule en partie à Sancerre et en partie à Paris. Le personnage principal est une femme, Dinah, instruite et cultivée, un peu bas bleu (quelques clichés attendus sur le sujet), qui s'ennuie à mourir auprès d'un mari radin et de vieux et fidèles admirateurs. Quand débarque le littérateur Lousteau elle tombe comme un fruit mûr.

Je suppose que le but d'Honoré était de faire un portrait dépréciatif des femmes écrivains, mais le résultat n'est pas si évident. Il est explicitement fait référence à George Sand et à Adolphe de Staël.
L'histoire d'amour et le parcours social des différents personnages m'ont moyennement intéressée, mais finalement l'homme de lettres professionnel qu'est Lousteau apparaît comme l'homme des vieilles ficelles, inapte aux efforts et sans originalité. Il est loin d'être un grand romancier à l'imagination féconde et au pouvoir créateur ! D'ailleurs il y a un seul génie de l'écriture dans la Comédie humaine et c'est l'auteur – pas question de créer un personnage d’écrivain génial et à succès ! En revanche, on devine que Dinah aurait pu avoir sa chance, elle possède l'originalité, la détermination et l'ambition artistique nécessaire pour rivaliser avec les hommes – mais une femme est vouée à l'amour, à la maternité et à la constitution d'une famille.
Ceci dit, le passage que j'ai préféré est le récit de deux soirées. L'une où les différents personnages racontent des histoires d'adultères qui font peur : le médecin Bianchon raconte la Grande Bretèche qui est si réussi. Il y a aussi une histoire espagnole parfaitement terrifiante. Au cours de l'autre soirée on découvre un roman italien (ou plutôt un roman anglais) dont il manque des passages et c'est très réussi. Ces deux soirées apportent une coloration gothique à ce roman qui serait plutôt plat sans cela.
Le roman peint enfin de façon caricaturale l’opposition entre Paris et la misère intellectuelle de la province.

Il se jouait en effet à La Baudraye une de ces longues et monotones tragédies conjugales qui demeureraient éternellement inconnues, si l'acide scalpel du Dix-Neuvième Siècle n'allait pas, conduit par la nécessité de trouver du nouveau, fouiller les coins les plus obscurs du cœur, ou, si vous voulez, ceux que la pudeur des siècles précédents avait respecté.
Morisot, Jeune femme assise devant la fenêtre dit L'Été, 1879, Musée Fabre, M&M.

Esquisse d'un homme d'affaires d'après nature, 1845.
Une nouvelle à laquelle je n'ai rien compris à cause du trop grand nombre de personnages (je ne me rappelle pas des biographies de l'ensemble des messieurs/dames de la Comédie humaine) et de la complexité du sujet ( je suis moins à l'aise qu'Honoré avec tout ce qui concerne les dettes et les entourloupes financières). Mais on y trouve cette phrase magnifique :

Or, par une soirée carnaval, maître Cardot avait régalé, chez mademoiselle Turquet, Desroches l'avoué, Bixiou le caricaturiste, Lousteau le feuilletoniste, Nathan dont les noms illustres dans la Comédie humaine rendent superflue toute espèce de portrait.

La Messe de l'athée, 1836.
Une nouvelle touchante mettant en scène le bon médecin Bianchon et surtout son maître Desplein. C'est le récit de la jeunesse laborieuse et misérable, qui étudie le ventre vide, au contact des plus pauvres.




5 commentaires:

Dominique a dit…

et toc encore un texte qui m'attend
Balzac c'est un puits sans fond pour notre grand plaisir

keisha a dit…

On pardonne tout ou presque à notre cher honoré! Il m'en reste tant à lire et relire...

nathalie a dit…

Je compte bien, sinon atteindre le fond, du moins l'effleurer ! Avec quelques années...

nathalie a dit…

Tsss, non, non, il est abominablement sexiste et on ne pardonne pas !

keisha a dit…

J'ai dit 'presque'! ^_^