La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 29 juin 2017

Son parfum était aussi discret que le Taj-Mahal au clair de lune.

Raymond Chandler, La Petite sœur, traduit de l’américain par Simone Jacquemont et J.-G. Marquet, parution originale 1949.

Mon petit bonbon d’été !

C’est toujours un plaisir de lire une enquête de Philip Marlowe. En l’occurrence, une jeune femme pas bien affriolante lui demande de retrouver son frère dont elle est sans nouvelle. Ensuite, il y a des meurtres au pic à glace, une starlette de cinéma, un gangster recyclé, un médecin louche (chez Chandler, les médecins sont toujours louches). N’oubliez pas de vous méfier de la fille pas affriolante, elle pourrait receler des surprises.

Flack s’exclama soudain :
- Un travail au pic à glace ne peut venir que d’une femme. Ça s’achète n’importe où, pour dix cents. Si on doit s’en servir vite, on le range dans son porte-jarretelles, et c’est parti.
Christy French lui adressa un bref regard assez pensif. Beifus enchaîna :
- J’aimerais bien savoir avec quel genre de dames tu traînes, toi ? Au prix où sont les bas, autant se coller une scie dans la chaussette.

J’ai beaucoup aimé ma lecture. J’ai trouvé que ce roman avait un ton plus désabusé que les précédents. Los Angeles est ici une ville de hangars et de néons, à la population triste et terne, seules les étoiles du cinéma pailletant encore faiblement. Tout semble sale et même les rivages du Pacifique, qui offraient quelques belles échappées dans les romans précédents, semblent vides.
Il y a aussi de nombreux passages assez drôles, même s’il s’agit surtout d’humour noir. Tuer une mouche peut en effet être aussi important que de répondre à un client potentiel.
Quant à l’intrigue, c’est toujours un peu compliqué, car Marlowe, qui est le narrateur, ne nous dit pas tout et prend soin de concocter une version pour la police, une version pour sa cliente et une vraie version pour l’assassin – pas facile de s’y retrouver, car finalement tout semble assez crédible.
 
S. Millard, Angel's flight, 1931, Los Angeles County museum, RMN.
Je roulais jusqu’à Oxnard et fis demi-tour en longeant l’océan. Les semi-remorques fumaient vers le nord, couverts de phares orange. À droite, ce bon vieux Pacifique se traînait sur le sable comme une infirmière rentrant du boulot. Pas de lune, pas de bruit, tout juste celui des vagues. Pas d’odeur. Il n’y avait pas cette odeur aigre de la mer. C’est ainsi en Californie. La Californie, l’État des centres commerciaux. On y trouve tout, et surtout le meilleur du pire.

Bonjour à Eeguab et autres durs à cuire au cœur tendre, amoureux de Chandler.

Destination PAL – la liste complète des lectures d’été.

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