La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 19 janvier 2018

C’est pis que tout ce que j’avais pu rêver. Ils sont perdus !

Henry James, Le Tour d’écrou, parution originale 1898, lu en ebook gratuit et donc il n’y a pas le nom du traducteur bien sûr.

Relecture d’un classique que j’avais un peu sous-estimé.
Des hommes (les femmes sont couchées) racontent des histoires le soir au coin du feu pour se faire peur. L’un d’eux lit le manuscrit d’une ancienne institutrice. La très jeune femme est chargée d’une petite fille et d’un jeune garçon dans une grande demeure de la campagne anglaise. Ils sont adorables. Et peu à peu des choses bizarres et effrayantes se produisent.
Ce roman américain constitue un hommage appuyé aux grands romans anglais (Jane Eyre n’est pas loin) et particulièrement aux romans gothiques (Les Mystères d’Udolfe sont explicitement cités). Belle campagne, jardin, maison aux nombreuses chambres et à grande domesticité, bougie qui s’éteint toute seule et apparitions inexpliquées, tout est là. Le récit est mené sur un ton exalté tout à fait prenant. L’héroïne se délecte de sa frayeur et de ses larmes, mais affronte vaillamment ses responsabilités, de façon à repousser sans cesse l’horreur un peu plus loin – on n’est pas loin du thriller en ce qui concerne cette technique narrative.

Je sais comment tirer de mon histoire un récit capable de faire comprendre mon état d’esprit : durant cette période, je trouvais littéralement de la joie à m’abandonner à l’envolée héroïque que l’occasion exigeait de moi.

Je pense qu’à ma première lecture j’étais un peu passée à côté de certains enjeux. Les interdits sexuels sont tellement forts qu’ils ne sont évoqués que par des sous-entendus tellement lointains qu’il est facile de ne pas tout comprendre de certaines « horreurs » évoquées. Sur ce plan le roman est un peu daté. Toutefois, il mêle à la perfection puritanisme et fascination pour le mal, surtout quand il est imaginé.
 
G. Brown, Sizewell C 2016, Coll. privée, M&M.
Le lecteur oscille entre interprétations surnaturelles et rationnelles des évènements et rien ne sera tranché à la fin. C’est cette absence d’explication qui constitue une des réussites du roman, car le lecteur ne parvient pas à faire la part des choses entre tout ce qui lui est raconté. Avons-nous affaire à un roman fantastique avec des fantômes ou à un roman plus psychologique, dont l’intrigue plonge dans la psychanalyse ? Et quel est le plus horrible des deux ? Et l’institutrice a-t-elle conscience de cela ou est-elle trop ignorante pour saisir ce qui se passe ? Quel est le danger véritable et est-ce vraiment un danger ?
L’institutrice ne nous dit pas tout, par volonté de cacher ou par ignorance. On ne peut s’empêcher de se dire que son éducation puritaine et sa sentimentalité excessive perturbe ses perceptions. Comment savoir ce qui se passe vraiment ? Et comment cela va-t-il finir ? Rien ne sera dit.

Il sembla dire que ce n’était pas si simple que cela, mais qu’il ne pourrait trouver des termes exacts pour s’exprimer. Il passa sa main sur ses yeux, eut une petite grimace douloureuse :
- « Comme horreur. Comme horreur - horrible !
-       - Oh ! C’est délicieux ! » s’écria une femme. 

L’avis de Nathalie.


10 commentaires:

Ingannmic, a dit…

C'ets un titre que je me promets de relire depuis longtemps... je l'avais lu au collège je crois, et une amie prof de français m'a donné il y a quelques années l'envie de le redécouvrir en le portant aux nues ! Il faut que je le mette en évidence..

keisha a dit…

Je n'ai pas lu le roman, mais j'ai vu l'opéra (Britten je crois) et avoue n'avoir pas vraiment trop compris!

Eimelle a dit…

J'ai vu aussi l'Opéra, mystérieux mais un bon souvenir !

nathalie a dit…

Oui c’est un excellent roman.

nathalie a dit…

J’aime bien la musique de Britten mais je ne connais pas du tout l’opéra.

nathalie a dit…

Bon il faut absolument que cet opéra passe à Marseille !

Dominique a dit…

les lecteurs et critiques de James disent qu'il laisse ses héros ou héroïnes "en l'air" façon de dire que l'on sort de là sans savoir réellement le fin mot de l'histoire
je viens de terminer un de ses romans où l'on retrouve cet effet là, mais quel talent !!!

nathalie a dit…

J'ai l'impression que c'est le lecteur qui est laissé en l'air en l'occurrence, mais oui, c'est totalement ça.

Lilly a dit…

J'avais adoré ce livre, mais ce que tu dis des sous-entendus sexuels m'était passé complètement au-dessus. Ca me donne envie de m'y replonger, tiens !

nathalie a dit…

On est en plein dans le tabou "ah c'est tellement horrible que je n'en parlerai pas" et c'est au lecteur de se creuser la tête... C'est plutôt bien fichu car du coup on se demande si la narratrice n'a pas tout imaginé (vu que rien n'est raconté).