Michal Ajvaz, L’Autre ville, traduit du tchèque par
Benoît Meunier, parution originale 1993, édité en France par Mirobole.
Une aventure peu ordinaire.
Le narrateur découvre un livre
écrit dans un alphabet inconnu chez un bouquiniste. Et grâce à cela il commence
à parcourir les rues d’une autre ville, installée dans les interstices de
Prague, une autre ville à la fois fascinante et menaçante, où il s’aventure
dorénavant presque chaque nuit.
Finalement, la sévérité avec laquelle nous limitons les déplacements de notre œil prouve bien que nous sommes conscients que notre regard comprend obscurément les monstres des confins, et que nous craignons qu’il ne croise des créatures connues, n’engage la conversation avec elles, ne se souvienne d’amitiés anciennes et n’oublie au passage la langue commune.
C’est un roman déroutant. Tout
d’abord, on ne sait rigoureusement rien du narrateur, un homme de Prague aimant
les livres. Il ne mène pas réellement une enquête sur l’autre ville, mais
semble plutôt se laisser guider par le hasard de ce qui se présente à lui,
approfondissement progressivement sa connaissance. De fait on se rend compte
que de nombreux habitants de Prague sont au courant qu’il y a quelque chose,
mais préfèrent ne pas le savoir.
Quant à la ville… Elle s’ouvre
dans les anomalies de notre monde, derrière une porte au fond d’un couloir, en
suivant les rails d’un tramway, au fond d’une écluse, dans un train abandonné
sur les voies et à l’intérieur des statues qui ornent les places de Prague. Son
dieu est un jeune homme attaqué par un tigre, mais sa mythologie s’appuie sur
de nombreux combats contre des animaux. En l’occurrence, le motif de la lutte
contre le requin revient à de nombreuses reprises, y compris de façon amusante.
L’autre ville fait peur, à la fois dans sa façon d’être présente juste sous nos
pas et dans l’épaisseur de nos murs et dans ses pratiques barbares.
J’ai ressenti diverses
impressions au cours de ma lecture. Bien sûr, la création de cet univers
parallèle est réussie. Toutefois je trouve que la quête du narrateur manque de
motivation et d’une direction claire. On a la sensation que les nuits aux
aventures incompréhensibles se succèdent sans suite et cela manque d’accroche.
Mais il faut reconnaître que ce procédé rend les choses d’autant plus
mystérieuses, en laissant supposer que l’autre ville coexiste avec Prague en
permanence.
Et la langue est très… Il faut
s’accrocher un peu. Lorsque les récits concernent l’autre ville, il semble que
les morceaux de phrase s’emboîtent les uns aux autres, sans jamais s’arrêter.
C’est qu’il s’agit de mimer l’agencement des lieux qui s’ouvrent les uns dans
les autres. Le narrateur ne parviendra jamais au centre de la ville, chaque
centre étant une nouvelle périphérie. Il faut d’ailleurs reconnaître que
certains passages théoriques sont un peu lourds.
Personne n’est étranger, tout le monde finit par rentrer chez soi, même les huîtres qui forment de longues files indiennes pour entrer dans les villes, et dont les troupeaux silencieux traversent nos chambres à coucher en cliquetant. Comme je suis content, chaque fois que j’entends leurs doux petits glissements dans le noir !
Le narrateur n’exprime ni joie ni
exaltation face à sa découverte. Il semble plutôt à la fois curieux et triste
et même en proie à une véritable obsession, incapable d’oublier ce qu’il a vu.
Le motif très impressionnant de la
bibliothèque qui se transforme peu à peu en jungle.
Une lecture déconcertante.
Prague est décidément une ville
bien romanesque, puisqu’elle est également habitée par le Golem.
Vous verrez que, touchés par ce
souffle, les contours de nos édifices se désagrègent en temples barbares qui
rayonnent d’une splendeur immonde et reluisent d’un or vil et oublié. Ce venin
ronge jusqu’aux mots dont nous usons et les transforme en antiques sons de
forêt vierge chargés d’angoisse, en musique solitaire de statues. La vie se
résume alors à un rôle incompréhensible dans la représentation sans fin d’un
mythe obscène qui raconte l’agonie d’un jeune dieu dans la jungle.
L’avis d’Imaginelf.
je retiens le nom de cet auteur, mais c'est un genre difficile, n'est pas kafka qui veut et situer l'intrigue à Prague c'était prendre un gros risque de se voir comparé
RépondreSupprimerJe ne vois pas trop le rapport avec Kafka. Ajvaz situe l'intrigue de son roman à Prague parce qu'il est tchèque. Et puis s'il faut absolument aller pêcher une comparaison, je pencherais plus vers Le Golem de Meyrink. Un autre roman de cet auteur a été traduit récemment, il m'intrigue, je le lirai sans doute.
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