La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 6 février 2018

Des mots si pauvres qu’on voit le jour au travers.

Éric Vuillard, L’Ordre du jour, 2017, Actes Sud.

Un petit livre pour raconter l’Anschluss.
L’histoire est connue. Qu’a voulu alors Vuillard ? Il met l’accent sur des individus, au moment où ils sont amenés à effectuer des choix, et son attention porte sur des civils : les grands industriels allemands qui ont financé le parti nazi et qui ont été complices de l’Holocaustes, les dirigeants politiques de l’Autriche, les populations civiles autrichiennes. Il met l’accent sur des attitudes, une façon de monter l’escalier ou une phrase en apparence ordinaire.
Cette lecture m’a intéressée. J’ai trouvé l’écriture à la fois habile et puissante. Toutefois, le récit, puisqu’il ne s’agit pas d’un roman, m’a semblé peu motivé, peut-être parce qu’il porte sur plusieurs lieux et sur une durée longue. 14 juillet me semble plus cohérent, plus fort, plus resserré. J’avoue aussi l’avoir comparé à HHhH de Laurent Binet. À sa différence, Vuillard ne s’excuse pas d’inventer visiblement telle réflexion ou telle pensée d’un personnage historique – ça ne me gêne pas, mais raconte-t-il l’histoire ? Écrit-il un roman ? J’ai eu l’impression que Vuillard s’essayait à la recréation et à la mise en scène de moments bien documentés, qu’il proposait des images à nos imaginations de lecteurs, en mettant sous nos yeux les détails concrets d’un grand fait historique : des chars en panne au bord de la route, un dîner protocolaire où il est question de tennis. Des vignettes bien documentées et racontées d’une façon saisissante.
Tout de même, à la fin, l’évocation terrible des suicidés de Vienne.

Nous pourrions ainsi nous approcher tour à tour de chacun des vingt-quatre messieurs qui entrent dans le palais, frôler l’évasement de leur col, le nœud coulant de leur cravate, nous perdre un instant dans le grignotement de leurs moustaches, rêvasser entre les rayures tigre de leur veston, plonger dans leurs yeux tristes, et là, tout au fond de la fleur d’arnica jaune et piquante, nous trouverions la même petite porte ; on tirerait sur le cordon de la sonnette, et l’on remonterait de nouveau dans le temps où nous aurions droit à une même succession de manœuvres, de beaux mariages, d’opérations douteuses – le récit monotone de leurs exploits.
 
Dix, Homme d'affaires, 1922, Met.

6 commentaires:

miriam a dit…

une leçon d'histoire magistrale, mais je suis restée sur ma faim. Très bien écrit mais cela n'apporte pas grand chose de nouveau

miriam a dit…

bonne idée cet Otto Dix!

nathalie a dit…

Oui je suis tout à fait d'accord.

nathalie a dit…

Il s'imposait !

Bonheur du Jour a dit…

Les avis sont quand même assez partagés sur ce livre. Je l'ai réservé à la Médiathèque, moi qui lis peu de nouveautés.

nathalie a dit…

Oui je pense que de nombreuses personnes sont déçues.