La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 22 mai 2018

Je serai heureuse de pouvoir me reposer – de m’arrêter, de penser et de me rappeler.

Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours, traduit de l’anglais par Anne Rabinovitch, parution originale 2005.

La narratrice est une femme, arrivée à un moment important de sa vie (le lecteur mettra du temps à comprendre qu’elle n’est pas âgée, mais qu’elle est à un moment où elle est amenée à effectuer ce retour sur elle-même) et elle nous raconte son enfance et sa jeunesse. Elle a grandi à Hailsham. C’est à la fois un roman anglais se déroulant dans un pensionnat (tradition bien établie), un roman sur l’apprentissage des sentiments et sur les histoires d’amour plus ou moins heureuses, mais il y a autre chose… Le lecteur aura besoin de beaucoup de temps pour comprendre ce que signifie les mots « dons » et « accompagnante » qui parsèment les souvenirs d’enfance. C’est d’ailleurs toute le talent de ce roman : nous faire sentir que nous sommes dans un environnement littéraire très familier et en même temps nous faire sentir que c’est un monde entièrement différent du nôtre. C’est que rien ne nous est expliqué, puisque la narratrice se plonge dans ses souvenirs. Elle n’a pas besoin de longues considérations pédagogiques. C’est ainsi que par petites touches nous comprenons lentement, avec étonnement, incrédulité et puis horreur, de quoi il retourne.
Le cœur du récit est constitué par cette plongée dans les souvenirs, ces discussions autour du passé, ces interprétations différentes d’un même fait. Le tout se tient dans un climat de grande douceur et de mélancolie, qui laisse transparaître le caractère de la narratrice, aimant la solitude, pleine d’humanité et d’empathie. Tout cela est pourtant très mélancolique. Nous circulons sur les routes de l’Angleterre d’un lieu à l’autre, avec de la musique dans la voiture, en repensant aux gens que nous avons connus et qui ne sont plus là, c’est doux et triste à la fois.
Un roman envoûtant.

Dehors il y a des gens comme Madame, qui ne vous détestent pas et ne vous souhaitent aucun mal, mais qui frissonnent néanmoins à la seule pensée de votre existence – de la manière dont vous avez été amené dans ce monde et pourquoi – et qui redoutent l’idée de votre main frôlant la leur. La première fois que vous vous apercevez à travers les yeux d’une personne comme celle-là, c’est un instant terrifiant. C’est comme vous entrevoir dans un miroir devant lequel vous passez chaque jour de votre vie, et soudain il vous renvoie autre chose, une image troublante et étrange.
 
So British. Oxford.

4 commentaires:

Lili a dit…

L'envoûtement n'a pas fonctionné avec moi. Je m'étais terriblement ennuyée. J'ai tenté d'autres romans d'Ishiguro depuis et ç'a été le cas à chaque fois. Je crois que l'auteur n'est vraiment pas fait pour moi.

Lilly a dit…

Un roman magnifique, mais j'aime tout d'Ishiguro. Le film est assez réussi également.

nathalie a dit…

Il me semble avoir lu un autre titre de lui, mais qui ne m'a laissé aucun souvenir. Donc je suis ravie de ma lecture, mais je reste prudente sur l'auteur !

nathalie a dit…

Ah pas vu.