Federico García Lorca, Odes, traduites par André Belamich, 1928.
Ode au Saint Sacrement de l’autel. 1. Exposition
Les femmes psalmodiaient le long du mur figé
quand je te vis, Dieu fort, vif dans ton Sacrement,
palpitant et tout nu comme un enfant qui court
poursuivi par les sept taurillons capitaux.
Et tu étais vivant, mon Dieu, dans l’ostensoir.
Lanciné par ton Père d’aiguilles de feu.
Battant comme le pauvre cœur de la grenouille
que les médecins mettent dans un bocal de verre.
Pierre de solitude où gémissent les herbes
et où l’eau sombre perd ses trois modulations,
on dresse ta colonne de nard couvert de neige
sur un monde de roues et de phallus en marche.
Je regardais ta forme délectable flotter
parmi la plaie des huiles et le linge d’agonie,
les yeux à demi clos pour diriger leur doux
tir sur ta cible d’insomnie sans oiseau noir.
C’est ainsi, Dieu ancré, que je voudrais t’avoir.
Tambourin de farine pour le nouveau-né.
Brise et matière unies dans l’expression exacte
pour l’amour de la chair qui ne sait pas ton nom.
Oui, ainsi, forme brève aux rumeurs ineffables,
Dieu dans les langes, Christ éternel et minuscule,
répété mille fois, mort et crucifié
par l’impure parole de l’homme en sueur.
Les femmes psalmodiaient sur le sable sans nord
quand je te vis présent dans ton saint Sacrement.
Cinq cents séraphins d’encre et de splendeur goûtaient
sous la coupole neutre au raisin de ta grappe.
O Forme sanctifiée, bissectrice des fleurs
où tous les angles prennent leur jour définitif,
où le nombre et la bouche construisent un présent
corps de lumière humaine aux muscles de farine !
O Forme limitée pour exprimer concrètes
la foule des lumières et la clameur des voix !
O neige couronnée de glaçons de musique !
O flamme crépitant dans les veines de tous !
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