Federico García Lorca, Poète à New York, traduit par Pierre Darmangeat, écrit vers 1930.
1910
Ces yeux, les miens, de mil neuf cent dix
n’avaient pas vu enterrer les morts
ni la foire de cendre de qui pleure au petit jour,
ni le cœur qui tremble, traqué comme un petit cheval de mer.
Ces yeux, les miens, de mil neuf cent dix
avaient vu le mur blanc où urinaient les petites filles,
le mufle du taureau, le champignon vénéneux
et une lune incompréhensible qui éclairaient les coins
les morceaux de citron sec sous le noir dur des bouteilles.
Ces yeux, les miens, sur le cou du poney,
sur le sein transpercé de sainte Rose endormie,
sur les toits de l’amour, pleins de gémissements et de mains fraîches,
dans un jardin où les chats mangeaient les grenouilles.
Grenier où la vieille poussière agglutine statues et mousses,
boîtes qui gardent le silence de crabes dévorés
à l’endroit où le rêve se heurtait à leur réalité.
Là s’ouvrirent mes yeux d’enfants.
Ne me demandez rien. J’ai vu que les choses
quand elles cherchent leur cours ne trouvent que leur vide.
Il y a une douleur de creux dans l’air inhabité
et dans mes yeux des créatures vêtues, sans nudité !
Lorca c'est toujours d'une puissance folle, que ce soit dans la tempête ou dans la douceur
RépondreSupprimerJ’ai été assez déstabilisée au début, c’est un effet assez inhabituel même si je ne saurais pas trop dire pourquoi.
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