Melville, Benito Cereno, 1855. Ce n’est pas écrit, mais je suppose que le traducteur est Pierre Leyris.
Un court roman, tout à fait malaisant.
Nous sommes en 1799. Delano, capitaine d’un bateau chasseur de phoques, Américain, fait escale dans une petite île du Chili pour s’approvisionner en eau, quand approche un étranger voilier espagnol, décati et en mauvais état. Il se rend à bord pour offrir son aide (eau, vivres, expérience). Il y rencontre Dom Benito Cereno, Espagnol, malade, taciturne. Le voilier était destiné à la traite négrière, mais a traversé de terribles tempêtes et l’équipage semble à présent composé aussi bien de noirs et de blancs. Le roman raconte la journée que Delano passe en compagnie de Benito Cereno, s’interrogeant, faisant des hypothèses, observant des choses étranges, craignant un guet-apens, ainsi que l’épilogue qui explique la plupart des étrangetés.
Petit souci : Le ton est profondément raciste. Il n’y a pas la moindre petite critique contre l’esclavage et la traite négrière et des considérations sur la nature des blancs, des noirs, des métis. Franchement, pfff. Toutefois, cela vaut le coup de continuer sa lecture.
En effet, Delano est raciste et nous voyons le monde par ses yeux – oserais-je dire, par ses œillères ? Ses préjugés le trompent et nous trompent, l’empêchent de comprendre ce qu’il voit et corrompt sa perception. La fin du roman agit-elle comme une révélation ? Rien n’est moins sûr et la position de Melville est difficile à déterminer, surtout que je n’ai pas envie de trop vous en dire. L’auteur ne semble pas prendre de distance vis-à-vis de son personnage et pourtant une phrase ironique sur la blancheur des squelettes fait douter de sa position, même s’il ne donne pas son point de vue.
Géricault, Étude d'homme, 1818, Paul Getty Museum. |
Le roman repose sur deux piliers. Le premier est que Delano ne comprend rien à situation qu’il a sous les yeux et interprète tout de travers. À la fin, le lecteur est invité à relire depuis le début en interprétant correctement les différents signes (le drapeau espagnol, la proue, les noires…).
Le second est le contraste entre les deux mondes représentés par chacun des navires. L’un américain, ordonné, bien géré, efficace, démocratique (sauf pour les noirs) et le second, représentant du vieux monde, se décomposant, ressemblant à une forêt primaire ou à un marais mystérieux, où les rapports sociaux reposent sur de vieux codes oubliés et incompréhensibles. Ce face à face silencieux sur l’océan Pacifique est plutôt réussi et Delano semble plonger dans une rêverie fantastique d’un autre temps, comme si le navire espagnol était ensorcelé.
Un court roman perturbant, un de ces cas de narration manipulatrice comme en osent certains grands romanciers, qui suscitent le malaise et l’interrogation. Si vous l’avez lu, je vous conseille la page de Wikipedia anglais à son sujet.
De plus près encore, cet aspect changea, et le véritable caractère du vaisseau apparut nettement : un navire marchand espagnol de première classe, transportant d’un port colonial à l’autre de précieuses marchandises et notamment des esclaves noirs ; un très grand et, pour son temps, très beau vaisseau, comme l’on en rencontrait alors parfois sur cet océan, que ce fussent des navires sur lesquels avaient été jadis transportés les trésors d’Acapulco ou des frégates retraitées de la flotte du roi d’Espagne qui, comme des palais italiens déchus, gardaient encore, malgré le déclin de leurs maîtres, des marques de leur état premier.
Melville a tenté de vivre de sa plume mais ....
RépondreSupprimerj'en suis toujours à Moby Dick que je n'ai toujours pas lu en entier !!!
J’ai lu Moby Dick sans comprendre grand chose, c’est tellement dense. Mais je l’ai acheté dans une nouvelle traduction pour pouvoir le relire ! Un jour..
SupprimerAh j'hésite, pourtant, Melville...
RépondreSupprimerJe ne peux pas en dire trop mais c’est un roman très intrigant.
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