La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



vendredi 5 juillet 2019

L’homme a passé comme un soupir de brise.

Maria Borrély, Les Mains vides, 1932, aux Éditions Parole.

Ils sont quatre. Quatre hommes, quatre chômeurs, qui errent sur les routes en quête de travail et de quoi manger. Sauf qu’il n’existe aucun système de solidarité collective et qu’ils dépendent du bon cœur ou de l’égoïsme des gens qu’ils rencontrent, quand ils ne sont pas emprisonnés pour vagabondage. Ils descendent les routes de Haute-Provence pour approcher de Marseille où, peut-être, il y aura du travail. Mais peut-être qu’ils n’y trouveront que le mistral.

La rivière dans l’oreille, l’homme monte. Le paysage grandit, se sublimise. Combien cet errant, pâle et morne, vêtu de loques, n’a-t-il pas embrassé, depuis qu’il porte tant de peines, de fabuleux panoramas ? Quand tu marches toujours à pied, des horizons, tu en connais tant et plus, se dit Bonavita. Mais ce qui manque à l’horizon c’est le cœur de l’homme. Il admire le sumac, il admire les beaux rochers, si nets de poussière.

Un très court roman, tout à fait poignant, qui raconte tout simplement la misère et l’errance. Le travail d’une journée, la nuit passée sous les arbres, un morceau de pain, l’asile, les chiens qui mordent, l’espoir.
J’avais préféré Le dernier feu dont la langue est d’une grande beauté et qui porte une plus grande complexité et un espoir de vie pour le village. Je vous le conseille vraiment : il a plu à tous ceux à qui je l’ai prêté ! Néanmoins, celui-ci est également tout à fait bouleversant dans sa simplicité même.

R. Seyssaud, Labourage, dépôt de la régie culturelle régionale à Martigues
Hésitant, les deux mains dans les poches de ses pantalons de pauvre hère, l’homme regarde à la dérobée. Un homme bien charpenté, beau. En quelques pas longs et souples de marcheurs, il a été devant la femme, dressé comme un reproche. L’honnêteté lui sort des yeux.
Pommettes brûlantes, agité d’un léger tremblement.
- Si vous pouviez donner un petit secours à un chômeur… dit Bonavita gêné… Si gêné que la femme qui tricote en a le cœur poignardé.
- Venez, suivez-moi dit-elle, décidée à lui donner une obole.

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