George Eliot, Le Moulin sur la Floss, traduction d’Alain Jumeau, parution originale 1860.
Un très gros roman anglais !
Tout débute par un narrateur qui contemple un beau moulin sur la rivière et qui aperçoit une petite fille… dans son souvenir. Il nous raconte l’histoire de Maggie Tulliver.
Les Tulliver habite donc un moulin et Maggie est une joyeuse petite fille, qui aime lire, apprendre des choses, est impétueuse. Elle est brune, à une époque où les filles doivent être blondes et pâles. Elle adore son grand frère, Tom.
C’était une de leurs matinées de bonheur. Ils trottaient et restaient assis ensemble, sans penser que la vie changerait jamais beaucoup pour eux : simplement, ils grandiraient et n’iraient plus à l’école et ce serait toujours comme les vacances ; toujours ils vivraient ensemble et ils s’aimeraient bien. Le moulin avec son bruit sourd ; le grand châtaignier sous lequel ils faisaient des cabanes ; leur petite rivière, la Ripple, et ses rives où ils se sentaient chez eux, et où Tom observait toujours des rats d’eau, tandis que Maggie cueillait les plumets mauves des roseaux, qu’elle oubliait et laissait par terre ensuite.
Nous suivons donc l’enfance de ces deux-là, la façon dont le père estime qu’il faut doter Tom d’instruction scolaire, les disputes entre les enfants, leurs réconciliations, leurs jeux dans les chemins. Las ! Le père connaît un revers de fortune, il est ruiné et déclaré en faillite. C’est la pauvreté. Tom se lance dans le travail et le commerce, avec un seul objectif, rembourser les dettes, racheter le moulin qui a été vendu, reprendre sa place dans la ville. Maggie ? Et bien, c’est une fille, pour elle il est mal vu de travailler, impensable donc de tenir la même ligne, et puis ses sentiments ne sont pas à prendre en compte. Obéir et être reconnaissante. Néanmoins, nous suivrons son évolution intérieure : la frustration de voir son monde se fermer, le renoncement aux désirs et aux ambitions, la découverte de l’amour, les choix impossibles, l’attachement aux siens…
Par où commencer pour vous en parler ? J’ai beaucoup aimé cette lecture, tout en avancement plutôt très lentement. Et je ne sais pas bien quoi vous raconter. Alors…
Mes difficultés de lecture sont d’abord dues au contexte de confinement. Je me concentre plus facilement sur les livres d’histoire que sur la fiction. Et puis, ces romans classiques ont un ton empreint de tristesse. Il s’agit, comme souvent, du récit d’une chute et d’une renaissance, ou d’une vie affrontant le destin, et tout cela ne convenait pas vraiment à la période. J’avoue avoir beaucoup apprécié le récit de l’enfance, passé presque sans les lire les 50 pages consacrées à la ruine, et redémarré ma lecture, en prenant un plaisir de plus en plus grand au fur et à mesure de la progression du récit.
Il s’agit dans sa première partie d’un grand roman sur l’enfance. Nous suivons Maggie dans tous ses jeux, ses imaginations, ses bouderies, ses colères et nous assistons à ses explorations dans le moulin avec ses réflexions sur les araignées.
Les agissements des enfants si incompréhensibles pour les adultes, si vite qualifiés de « caprice », sont ici pleinement racontés, avec sérieux, sensibilité et finesse d’analyse. À la fin du livre, quand Maggie devra effectuer des choix difficiles (et qui ne seront pas compris), elle se souviendra de ces moments. Pour elle, l’alternative ne se joue pas entre raison et passion, ou honneur et sentiments, mais entre la fidélité au passé et aux siens et l’égoïsme. Être fidèle à son enfance, aux lieux où elle a grandi, aux souvenirs de ses parents, aux promesses faites (même quand elles sont injustes), plutôt que choisir la rupture avec ce monde.
Vous pensez, comme moi, que les liens véritables résident dans les sentiments et les espoirs que nous avons suscités dans le cœur des autres. Sinon, tous les engagements pourraient être rompus, s’il n’y avait pas de sanction extérieure. Il n’existerait rien qui puisse s’appeler la fidélité.
Sisley, La Seine à Bougival, 1873 privé |
Après, il y a bien évidemment la place respective des hommes et des femmes, le respect de l’argent, le poids des convenances dans un monde étriqué. Il y a tout une galerie de personnages : les oncles et les tantes, la petite cousine, le bon pasteur, le colporteur – l’entente très spéciale qu’il y a entre la tante Glegg et le colporteur, c’est un passage très savoureux. On loue aussi beaucoup les chiens.
Ce roman est le récit d’une vie, ce n’est pas une suite d’événements qui s’enchaînent plus ou moins heureusement, c’est bien une longue chaîne qui forme la personnalité de Maggie, sans interruption, mais avec des nœuds et des emmêlements. Il y a l’étonnante vision du Rhône et du Rhin qui apparaît en plein milieu du texte – c’est un roman d’eaux.
Y a-t-il quelqu’un qui soit capable de retrouver le vécu de son enfance, pas seulement de se souvenir de ce qu’il a fait et de ce qu’il lui est arrivé, de ce qu’il aimait ou de ce qu’il n’aimpat pas quand il portait une robe d’enfant et un petit pantalon, mais de plonger au cœur du passé, de faire revivre dans sa conscience les sentiments de cette époque-là – où le temps était si long d’un été à l’autre ? Assurément, si nous pouvions nous rappeler ces premières souffrances, ces conjectures confuses et cette conception de la vie étrangement dépourvue de perspective, qui donnaient à ces souffrances leur intensité, nous ne traiterions pas à la légère les chagrins de nos enfants.
J’ai aussi lu Middlemarch.
Une romancière.
Je le relirai certainement dans quelques années !
J'ai lu "Silas Marner" sans conviction et j'avoue que celui-là ne me tente pas...
RépondreSupprimerPas lu Silas... Mais celui-ci est bien mieux que Middlemarch !
SupprimerHé oui... Un bon souvenir... Lu en VO (je suis folle quand il s'agit de classiques anglais!)
RépondreSupprimerDaniel Deronda devrait aussi te plaire...
Ah oui, tu es folle en effet ! Et très bonne en anglais !
SupprimerJe compte bien continuer sur ma lancée. Eliot est notée sur la liste de commandes de livres pour "après".
le roman plaisait beaucoup à Proust !
RépondreSupprimerce n'est pas mon préféré mais j'ai pris un grand plaisir à cette lecture et je n'ai plus qu'un titre de G Eliot à lire dans ce qui est traduit aujourd'hui
Dominique is back ! Je suis contente : il m'en reste encore un petit paquet à découvrir !
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