La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 15 décembre 2020

La voix de certains êtres a des grâces sensuelles, irrésistibles, la saveur des choses exquises à manger.

Guy de Maupassant, L’Inutile beauté, 1890. 

Je commence ma lecture, persuadée d’avoir affaire à un roman. Je note toutes les pages, impressionnée par ce que je lis. Au bout de 20 pages, je réalise que c’est une nouvelle et que cela s’arrête comme ça. Maupassant a dressé des portraits vigoureux et profonds, nous sommes prêts à lire une grande histoire, mais non, la fin brutale nous est assenée d’un coup. Quel talent !

Cette première nouvelle s’intitule L’Inutile beauté. Il campe un couple de nobles parisiens, un homme tendrement épris d’une femme qui le hait, à moins que ce ne soit un homme qui se sente propriétaire d’une femme et de son corps. Elle se vengera.


J’aime mes enfants, entendez-vous ! Ce que vous venez de m’avouer est honteux de la part d’une mère. Mais vous êtes à moi. Je suis le maître… votre maître… je puis exiger de vous ce que je voudrai, quand je voudrai… et j’ai la loi… pour moi.


La deuxième nouvelle, Le Curé de Vilbois, montre également des beaux personnages, notamment une femme dont on s’obstine à nous dire qu’elle est d’une nature basse, alors que tout montre qu’elle fut une compagne dévouée et fidèle. Et un homme vulgaire et malsain.

Les autres nouvelles sont peut-être moins impressionnantes. Peu ici de paysans normands, pas d’histoire de chasseurs. Un homme qui assiste au départ de son mobilier de sa maison (on n’est pas loin du Horla). Une histoire de perroquet très différente de celle de Flaubert (la référence est évidente). Des hommes qui battent leur femme. Un délire sur les orchidées.

Du grand art.

 

C’était par un soir de juillet. Le soleil éblouissant, tout près d’atteindre la crête dentelée de collines lointaines, allongeait en biais sur la route blanche, ensevelie sous un suaire de poussière, l’ombre interminable de l’ecclésiastique dont le tricorne démesuré promenait dans le champ voisin une large tache sombre qui semblait jouer à grimper vivement sur tous les troncs d’oliviers rencontrés, pour retomber aussitôt par terre, où elle rampait entre les arbres.

 

J. Béraud, Le Secret, 1878, Musée des Arts décoratifs


 

10 commentaires:

keisha a dit…

Les nouvelles de Maupassant sont souvent bien cruelles

miriam a dit…

Tiens tiens pourquoi pas?

Dominique a dit…

un maître de la nouvelle et le plus souvent la fin est cruelle !
je ne connait pas du tout ces deux là mais il en a écrit tellement

nathalie a dit…

Oui, il est redoutable.

nathalie a dit…

On se laisse aller ?

nathalie a dit…

J'ai empilé les recueils et les romans dans ma liseuse et à chaque vacances j'en lis. Ce recueil n'est pas très connu, mais certaines nouvelles fantastiques ont été rassemblées dans un volume autour de la folie, du fantastique et du Horla.

claudialucia a dit…

Oui, on a beauen lire, on n'arrive pas au bout de ces nouvelles ! Le texte que tu cites sur le mari "amoureux" (?) est terriblement juste, il a la loi pour lui !

nathalie a dit…

Oui mais il est persuadé d'avoir un comportement "amoureux", mais quand elle résiste, il redevient le propriétaire. Et ce changement de point de vue est très habile.

Passage à l'Est! a dit…

Je ne savais pas que Maupassant était si prolifique. Moi aussi, je vais peut-être me laisser tenter par celui-ci.

nathalie a dit…

Tellement prolifique qu'on ne connaît pas tout, surtout les nouvelles, toujours compliquées à chroniquer. Mes billets se ressemblent tous ! Mais tout est bien je crois.