Jean Giono, Le Moulin de Pologne, 1953, édité chez Gallimard.
Un homme, M. Joseph, arrive dans une petite ville. Il est intrigant, mais on ne sait pas pourquoi. Le narrateur raconte ensuite, grâce à un long retour en arrière, l’histoire d’une famille, celle des Coste, sur laquelle s’acharne le destin. Pas possible d’être en paix avec le malheur. Ensuite, le narrateur raconte comment M. Joseph unit sa vie à celle de cette famille.
Il logeait chez des cordonniers, impasse des Rogations. Le ménage qui lui donnait le gîte et le couvert n’était pas la fleur des pois : lui se soûlait et elle aussi. Quand ils étaient soûls, ils ne se battaient pas, c’était beaucoup plus grave : ils chantaient. Ils avaient des voix horribles, et ils pouvaient s’en servir pendant des jours et des nuits entières sans repos. Nous ne sommes pas très regardants sur le chapitre de l’ennui et il nous en faut beaucoup pour nous mettre les nerfs en pelote. Ces cordonniers-là y arrivaient.
A. Whishaw, Corrida, 1955 Tate |
Pour moi, cette histoire se développe sur deux grands axes. D’abord, celui des Costes, riche famille terrienne, la propriété, les chiens, les chevaux, les hommes, les femmes. La tragédie s’y unit au grotesque et l’humour plus ou moins déplacé du narrateur empêche de véritablement compatir à leur malheureuse histoire. Famille maudite certes, mais nous ne sommes pas dans les Atrides. Ensuite, il y a la petite ville dont fait partie le narrateur. Petite ville qui juge celui qui n’est pas comme elle, qui se scandalise, qui commente, qui tolère mal ceux qui ont l’air un peu différent ou qui ont le mauvais œil. Mais petite ville médiocre, ce n’est pas un chœur antique.
Je n’ai pas vraiment aimé ce roman. Mon principal souci provient de cette petite ville dont je ne comprends absolument pas les réactions ni le fonctionnement. De ce fait, un certain nombre de péripéties me semblent factices. Je n’ai vu ni scandale ni bizarrerie là où on m’a dit qu’il y en avait. C’est peut-être le décalage temporel ? Il n’y a plus aujourd’hui ce genre de ville où tout le monde se connaît, avec sa stratification sociale, ses codes de conduite… Pour moi, c’est un mauvais théâtre qui sonne faux.
C’est dommage, parce qu’il y a par ailleurs plusieurs trouvailles grinçantes et remarquables. L’une d’elle est le général des jésuites qui fait une apparition notable.
N’empêche qu’il y a le narrateur, insincère, faux et pusillanime, membre de la communauté, mais désireux de se rapprocher des personnages de l’histoire, on le soupçonne sans cesse de manipuler le récit et le lecteur. Toujours une habileté de la narration d’avoir un narrateur retors.
Et puis la très belle langue de Giono. Poétique, mais cruelle, ironique et grinçante, c’est un monde à elle toute seule.
Mais nous craignons moins les couteaux et les fauves qu’une façon de vivre qui ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons de la vie. Cela détruit tout ce que nous possédons plus sûrement que la révolution de Pancho Villa.
Sur ce roman, l'avis du Bonheur du jour.
Giono sur le blog : Colline - Le Déserteur - Deux cavaliers de l'orage (très fort) - Ennemonde et autres caractères (superbe) - Le grand troupeau (sur la Première guerre mondiale - à lire absolument) - L'Homme qui plantait des arbres - Le Hussard sur le toit (mon chouchou, mon préféré) - L'Iris de Suse (le plus beau, lui aussi est indispensable) - Le Noyau d'abricot et autres nouvelles - Un de Baumugnes.
je ne dis rien car je suis inconditionnelle alors ... il faudrait que je le relise pour faire un billet en miroir avec le tien
RépondreSupprimerIl faut bien établir de petites préférences et gradations !
SupprimerIl faudrait que je lise ceux qui t'on plu, mais l'univers de giono est assez difficile pour moi, la septentrionale. J'ai lu Que ma joie demeure, mais pas de billet!
RépondreSupprimerJe sens qu'il y a deux équipes bien distincts... Pas encore lu Que ma joie demeure, il ne perd rien pour attendre.
Supprimer... et la Pologne dans tout ça?
RépondreSupprimerEt bah pas grand-chose figure-toi !
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