La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 31 août 2021

Chez cet être singulier, c’était presque tous les jours tempête.

 Stendhal, Le Rouge et le noir, 1830.

 

Tout commence dans une petite ville de Franche-Comté sous la Restauration. Julien Sorel, fils du charpentier, est choisi par M. de Rênal, le maire, pour être le précepteur de ses enfants. Le jeune homme parle latin, adule Napoléon et montre un orgueil et un sens de l’honneur démesuré. Il y a une belle histoire d’amour avec Mme de Rênal. Et puis, le séminaire à Besançon et Paris, comme secrétaire du riche marquis de la Mole, lequel a une fille tout aussi orgueilleuse, avec laquelle l’amour prend des allures d’affrontement.


Une action lui semblait-elle admirable, c’était celle-là précisément qui attirait le blâme des gens qui l’environnaient. Sa réplique intérieure était toujours : Quels monstres ou quels sots ! Le plaisant, avec tant d’orgueil, c’est que souvent il ne comprenait absolument rien à ce dont on parlait.


C’est (environ) ma quatrième lecture de ce classique. Qu’en dire ?

D’abord, un grand plaisir de lecture. Nous sommes ici dans un roman plus lent que La Chartreuse. Les 500 pages prennent le temps de raconter la société d’une petite ville, de décrire un salon royaliste, et surtout d’analyser les états d’âme et la psychologie des personnages, notamment de Julien. Avec le recul, on voit les points communs entre Julien et Fabrice : la naïveté et l’ignorance, l’orgueil, la passion de se battre, le goût pour Napoléon et la geste épique, mais aussi le bonheur trouvé en prison, auprès d’une femme douce alors qu’une autre est prête à tout faire pour lui. C’est aussi un roman de la jeunesse.


Il voyait à ses pieds vingt lieues de pays. Quelque épervier parti des grandes roches au-dessus de sa tête était aperçu de lui, de temps à autre, décrivant un silence ses cercles immenses. L’œil de Julien suivait machinalement l’oiseau de proie. Ses mouvements tranquilles et puissants le frappaient, il enviait cette force, il enviait cet isolement.

C’était la destinée de Napoléon, serait-ce un jour la sienne ?


Je note que Stendhal y raconte aussi à mots couverts sa propre jeunesse dans une société étriquée, royaliste, dévote et provinciale, et sa fuite en imagination auprès des armées impériales. Julien incarne un modèle, celui de l’homme hardi à cheval et à l’épée, fougueux et dissimulateur, aimé des femmes et passionné, un homme échappant à l’esprit bourgeois et médiocre de son siècle.


Après tout, pensait-il, mon roman est fini, et à moi seul tout le mérite.

Corot, Rue à Coulommiers, 1871 Rouen BA

Il y a aussi pas mal d’humour dans l’évocation des diverses sociétés fréquentées par le héros. J’apprécie notamment les lettres d’amour copiées comme des modèles et la scène où le jeune évêque s’exerce à donner la bénédiction. Stendhal fait preuve d’ironie vis-à-vis de son héros, notamment dans sa façon de s’inspirer des Mémoires dictés à Sainte-Hélène par Napoléon pour conduire ses affaires de cœur.

C’est une façon pour Stendhal de raconter une histoire de passion digne de ses nouvelles italiennes dans la France de 1830.

 

Il accomplissait sans trop de peine ce qu’il croyait un devoir ; il était bien loin de se croire fort amoureux de Melle de La Mole. Sans doute il ne l’aimait pas trois jours auparavant, quand on l’avait caché dans la grande armoire d’acajou. Mais tout changea rapidement dans son âme, du moment qu’il se vit à jamais brouillé avec elle.

Sa mémoire cruelle se mit à lui retracer les moindres circonstances de cette nuit qui dans la réalité l’avait laissé si froid.

 

Il y a un premier billet (assez différent, mais qui me convient également).

C'est une année Stendhal sur le blog ! En janvier, j'avais repris avec la Chartreuse, c'est à présent le tour de Julien. Il y a eu La Vie d'Henry Brulard au début de l'été. Dans les mois à venir, peut-être d'autres lectures !


2 commentaires:

  1. Je ne l'ai lu 'que' deux fois.^_^ Je me souviens d'avoir lu Lucien Leuwen aussi.

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    1. J'avais beaucoup aimé Lucien Leuwen. Je compte donc le relire bien évidemment !

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