La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 5 octobre 2021

Paraître un lac, mais être la mer.

 Andreï Guelassimov, La Rose des vents, parution originale 2017, traduit du russe par Raphaëlle Pache, paru en France aux Éditions des Syrtes qui n’ont pas mis de carte parce que yolo bien sûr tout le monde sait où se trouve Irkoutsk, Okhotsk et autres terres lointaines (rentrée littéraire 2021).

 

Au milieu du XIXe siècle, le fleuve Amour n’est pas très bien connu des occidentaux alors qu’il est censé délimiter la Russie de la Chine. En plein impérialisme des Britanniques d’un côté et des Américains de l’autre (l’Alaska est encore russe pour quelques années), il apparaît de plus en plus urgent aux officiers marines d’explorer ce territoire lointain et hostile. Il importe par-dessus tout de savoir si le fleuve Amour rejoint la mer par un delta navigable. C’est l’aventure que mène Guennadi Nevelskoï.


Aux yeux de Nevelskoï, l’air de la mer Méditerranée, par exemple, était malléable, toujours légèrement ivre, espiègle et plein de parfums. Là-bas, il était plutôt une jeune fille et parler de lui au féminin aurait été bien plus approprié. Alors qu’ici, l’air était incontestablement un homme, créature taciturne, malcommode, désirant à tout prix faire valoir son point de vue.


J’avais envie de lire un roman d’exploration et d’aventure et je suis un peu déçue parce que le voyage est précédé par des intrigues à la cour de Saint-Pétersbourg, avec des espions à la solde des Britanniques, et des manigances diverses. Intrigues que j’ai mis un peu de temps à comprendre parce que je ne suis pas une experte en officiers et ministres russes et en géographie de par là-bas. C’est sûrement plus facile pour un lecteur russe, même si plusieurs passages relatifs à la cour de Saint-Pétersbourg sont vraiment réussis. Il faut dire que l’expédition est tout ce qu'il y a de plus clandestine et que cela donne des passages tout à fait savoureux.


Le lendemain, à midi pile, un groupe d’élèves du corps de la Marine pénétra dans la cour de l’Institut Smolny, d’un mouvement aussi décidé que s’ils montaient à l’assaut. Leur pas de l’oie était martelé si férocement que le sous-officier de service d’intendance, qu’on avait dépêché là pour veiller à tout et notamment au respect des grades, commença à s’inquiéter de ce que les bottes neuves distribuées à tous pour l’occasion ne durassent pas très longtemps.

Ercole de' Roberti, Les Argonautes abandonnent la Colchide, 1480, Thyssen Bornemisza


Heureusement, tout s’améliore dès que Nevelskoï se décide à se lancer dans l’aventure. Tout commence alors… par la construction du navire (et bah c’est très intéressant). Et puis un long voyage, du cabotage, la recherche d’un pilote chez les autochtones, etc. Tout cela m’a bien plu. Le ton est alerte, alternant les considérations matérielles et les rêveries, plus ou moins patriotiques. Il y a aussi les portraits de tous ces russes vivant sur les bateaux ou vivant au bout du monde. On se rend compte encore une fois que la géographie qui nous paraît si évidente aujourd’hui (l’Amour étant un classique des mots croisés) aurait pu être très différente.

Le ton est enlevé et le roman se lit très agréablement. Il y a de l’humour et de la légèreté. Le rythme est enlevé, surtout dans la deuxième partie, avec des coups de théâtre bien ménagés.

Je retiens le beau portrait du chat du bateau et une navigation nocturne, toutes lumières éteintes, pleine de menace.

 

L’empereur Nicolas Ier écrivit de sa propre main sur le mémoire de Nesselrode : « Je le regrette fort. Ne plus s’intéresser à la question de l’Amour, fleuve inutile », pourtant, curieusement, il ne donna pas l’ordre d’annuler la nouvelle expédition. Sa résolution catégorique avait peut-être le caractère de ce pipeau à l’aide duquel un intrépide fakir indien charme le nid de serpents qu’il vient d’éparpiller.

 

Le billet de Wodka.

Merci les éditions des Syrtes et Babelio pour la lecture.


12 commentaires:

  1. Rien à la bibli! D'autres titres c'est tout.
    Bon, tu ne connais pas Irkoutsk, mais moi j'ai dû chercher yolo ^_^
    Sinon, ça m'a l'air intéressant quand même, les récits d'exploration c'est un peu mon truc, et j'avoue ne pas savoir ce que bricole le fleuve Amour à son extrémité

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. J'avoue que j'emploie souvent "yolo".
      C'est intéressant, mais je trouve que l'on n'est pas assez souvent sur le bateau dans la nature et trop souvent en train d'intriguer à la cour russe. Et puis il faut suivre les noms de gens et de lieux !

      Supprimer
  2. je connais le nom de l'auteur mais je n'ai jamais rien lu autant que je me souvienne
    je note car comme toi j'aime le coté roman d'exploration et d'aventures

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne connaissais pas du tout pour ma part.

      Supprimer
  3. Yolo, merci pour le point géographique ;-). Ce roman est intriguant, il ne correspond pas du tout à ce que j'ai pu lire pécédemment de l'auteur.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je sens que mon yolo a du succès.
      Je n'avais rien lu de lui pour ma part, mais c'était intéressant.

      Supprimer
  4. Dommage pour cette première partie moins réussie car j'aime bien le sujet et le genre du roman d'exploration. Tu as raison, pas besoin de carte, ce sont des lieux qui nous sont si familiers !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'éditeur a légèrement surestimé mes compétences géographiques.

      Supprimer
  5. J'aime bien le titre de ton article: c'est de toi ou du livre? Malgré tes bémols, ce livre me tente et je le mets sur ma liste pour ma deuxième vie dans laquelle je lirai plein plein de livres russes. J'ai lu au passage ton billet sur "l'Alaska russe", intéressant! Et tu te plaignais déjà du manque de cartes.
    J'ai "A la conquête du Caucase" (Syrtes, avec cartes) dans ma bibliothèque et je compte bien y faire entrer aussi "L'épopée sibérienne. La Russie à la conquête de la Sibérie et du Grand Nord", du même auteur, à lire avant ou après le Guelassimov.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mes titres de billet sont toujours des citations des livres. En l'occurrence, il s'agit du mot d'ordre donné à l'officier, puisque l'expédition est clandestine.
      Il y a plein de choses bien aux Syrtes. Les livres que tu cites ont l'air en effet bien tentants également.

      Supprimer
  6. Comme keisha irkoutsk oui yolo non!j aime les livres d exploration. Je le note pour un avenir lointain ou une promenade à la mediatheque

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il n'y a que moi qui yolo ?
      Je ne sais pas s'il te plaira, le début est vraiment long à démarrer je trouve.

      Supprimer

N’hésitez pas à me raconter vos galères de commentaire (enfin, si vous réussissez à les poster !).