La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 7 décembre 2021

Personne n’est plus ennuyeux ni plus sombre, ma chère, mais il est à la mode.

 Honoré de Balzac, L’Histoire des treize.

 

Il y a bien des années j’ai commencé ma lecture/relecture de Balzac par L’Histoire des treize, sauf que je n’avais pas compris que les trois récits qui la composent forment un tout et j’avais tout lu n’importe comment. J’ai donc eu envie de la reprendre, dans l’ordre, de façon un peu suivie.

 

Ferragus, 1833.

C’est le premier. Un long prologue où Balzac nous explique que 13 hommes se sont associés et qu’ils sont les maîtres de Paris. On a surtout l’impression que ce sont des criminels sans scrupules et qu’il n’y a pas lieu d’être baba, mais arrivons dans le vif. Balzac nous racontera 3 exploits de ces gentlemen.

Ici, un jeune et brillant officier surprend la belle et riche jeune femme qu’il adore (tout platoniquement) dans une rue malfamée, où elle n’a rien à faire (et lui ?), sinon se compromettre. Il décide de mener l’enquête (et déchaine une suite de catastrophes et de morts violentes). Nonobstant le point de départ qui est profondément agaçant (être amoureux d’une femme donne le droit de connaître ses secrets, surtout que les secrets d’une femme ne peuvent être que de l’ordre sexe et dépravation – what else ?), c’est un petit roman qui est très agréable à lire. Ferragus, qui donne son titre au texte, apparaît à peine, comme une ombre menaçante et gigantesque. Il y a surtout le portrait de Monsieur et Madame Jules, qui s’aiment, qui s’adorent et qui sont un beau couple de la Comédie humaine. Mais qui sont horriblement broyés par les conventions sociales.

Mon premier billet.

 

Je note la dédicace à Berlioz et la très belle évocation du Requiem du musicien et une scène au cimetière du Père Lachaise qui a son petit écho avec Rastignac.

 

Le début me plaît beaucoup, un bel hommage au promeneur parisien.

Il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peut l’être un homme coupable d’infamie ; puis il existe des rues nobles, puis des rues simplement honnêtes, puis de jeunes rues sur la moralité desquelles le public ne s’est pas encore formé d’opinion ; puis des rues assassines, des rues plus vieilles que de vieilles douairières ne sont vieilles, des rues estimables, des rues toujours propres, des rues toujours sales, des rues ouvrières, travailleuses, mercantiles.

 

La jeune femme qui se trouvait en présence de monsieur et madame Jules avait le pied si découvert dans sa chaussure qu’à peine voyait-on une légère ligne noire entre le tapis et son bas blanc.

Quel portrait en une phrase !

 

La Fille aux yeux d’or, 1835.

Le jeune héros est ce fat insupportable de de Marsay, déjà ami avec Ferragus. Il voit un jour une jeune fille aux Tuileries. Elle a des yeux d’or. Il apprend qu’elle vit recluse dans un hôtel particulier. Évidemment il fait tout pour s’y introduire. Et c’est là que le roman devient intéressant, parce que figurez-vous Paquita est à la fois vierge et pas du tout innocente – chose totalement insupportable pour notre jeune possédant.


Il fut fasciné par cette riche moisson de plaisirs promis, par cette constante variété dans le bonheur, le rêve de tout homme, et que toute femme aimante ambitionne aussi. Il fut affolé par l’infini rendu palpable et transporté dans les plus excessives jouissances de la créature.


Un roman où Balzac dévoile un autre pan de l’amour, traité de la façon la plus mystérieuse du monde. Le jeune mâle n’en sort pas grandi, il est ici le jouet de l’auteur et de la maîtresse. Ironie et moquerie des hommes.

Le roman baigne dans un climat orientaliste un peu pénible, mais qui sert de prétexte à Balzac pour rendre hommage à Delacroix. C’est un roman des plus sensuels.

Mon premier billet.

 

Quand, après avoir fait un excellent repas, les deux jeunes gens eurent arpenté la terrasse des Feuillants et la grande allée des Tuileries, ils ne rencontrèrent nulle part la sublime Paquita Valdès pour le compte de laquelle se trouvaient cinquante des plus élégants jeunes gens de Paris, tous musqués, haut cravatés, bottés, éperonnaillés, cravachant, marchant, parlant, riant, et se donnant à tous les diables.

 

La Duchesse de Langeais, 1834

Ce court roman s’ouvre par une rencontre dans un monastère espagnol entre une carmélite et un officier français. Antoinette et Armand. Ils se sont aimés, ils s’aiment peut-être encore. 

Retour en arrière dans les salons parisiens. Une histoire entre une coquette et un farouche. Le caractère de la duchesse est le plus fouillé, produit de son milieu et de son éducation, incapable d’en sortir autrement, ignorante et affolée d’elle-même. De lui, on ne sait pas grand-chose, si ce n’est qu’il baigne dans une légende d’Orient et de mystère, d’aventure et de résolution. Mais il ne semble guère consistant.

Le roman est rattaché au cycle des 13 qui apparaissent brièvement et tragiquement dans les dernières pages. Le roman entrelace de façon étonnante l’évocation des salons et des pages au climat plus fantastique, l’ensemble est plutôt réussi.

Il y a aussi plusieurs allusions troublantes à Madame de Beauséant.

Mon premier billet.

 

Quel âge a la sœur Thérèse ? demanda l’amant qui n’osa pas questionner le prêtre sur la beauté de la religieuse.

Elle n’a plus d’âge, répondit le bonhomme avec une simplicité qui fit frémir le général.

 

Tes baisers, mon cher ami, seraient essuyés avec l’indifférence qu’une femme met aux choses de sa toilette. La duchesse épongerait l’amour sur ses joues comme elle en ôte le rouge.

 

Barye, Lion au serpent, 1832, Lyon BA


Supplément au Lys dans la vallée, 1832.

(sans aucun rapport)

Balzac a commis des Contes drôlatiques, soit-disant dans la veine de Rabelais (c’est beaucoup moins bien). L’un d’eux, Les Joyeusetés du roi Louis le onzième, met en scène une vieille fille qui souhaiterait bien ne plus l’être, au point de ressusciter un pendu grâce à ses caresses (insérer ici une blague de bon goût). Ce drôle de couple est l’ancêtre lointain de Monsieur de Mortsauf. De là à imaginer que la vieille fille est une variante ironique de l’Henriette qui se tord de désir sur son lit de mort, parce que le narrateur est incapable de comprendre une femme bien terrestre... Ce court récit constitue une sorte de contrepoint dont la Comédie humaine est coutumière, comme un ricanement que l’on entend au loin et qui fait douter de bien des choses qui sont affirmées dans Le Lys dans la vallée.

 

4 commentaires:

keisha a dit…

J'aime beaucoup tes commentaires, ah les femmes vues par Balzac...

nathalie a dit…

J'essaie de ne pas me limiter à ça quand même, ce serait trop facile et restrictif. Après... il y a certaines réactions hypodermiques !

Dominique a dit…

il n'est pas toujours aisé de s'y retrouver dans Balzac mais la balade est toujours belle
Le lys dans la vallée reste un de mes préférés

nathalie a dit…

Je sais. Le point fort du Lys est qu'on peut en faire de multiples lectures !