La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mercredi 3 août 2022

C’est ainsi que le roman allait son train à travers l’Histoire !

 Jules Barbey d’Aurevilly, Le Chevalier des Touches, 1864.

 

Un classique de Barbey.

Un soir de tempête, en Normandie, l’abbé croise quelqu’un qui aurait dû être mort, le chevalier des Touches. S’ensuit un long récit rapporté. Les événements ont eu lieu il y a bien longtemps, à la fin de la Révolution, quand les Chouans se battaient contre les Bleus. Il est question d’exploits et de légendes.

La réussite du roman tient d’abord à tout le mécanisme du récit enchâssé. Ici, après la conversation préliminaire, c’est une narratrice qui raconte, mais c’est une femme d’action qui a participé aux faits d’armes et qui donne son point de vue sur les uns et les autres. C’est un conte, écouté avec attention, interrompu et suspendu. Mais un narrateur inattendu surgit à la fin pour ajouter un dernier détail.


« La prison blanchissait au bout de cette espèce de boyau sombre, sur une autre place. Nous nous arrêtâmes… le temps de respirer. »

Elle contait comme quelqu’un qui a vécu de la vie de son conte. L’abbé et le baron, eux, ne respiraient plus.

« Ah ! c’était le moment, fit-elle, le moment terrible où l’on va casser le vitrage et où l’on serait perdu si, en la brisant, une seule vitre allait faire du bruit ! »


De plus, nous plongeons au cœur de la fin sanglante de la chouannerie, armée clandestine en déroute. J’avoue que le récit des exploits me laisse sceptique (il y a une barbarie sanglante parfaitement inutile dont je ne comprends pas l’intérêt), mais enfin, c’est enrobé de courage et de mystère.

Il y a des évocations très réussies des lieux, du bocage, des villes, des falaises. Il y a l’amertume de ceux qui se sont battus pour la monarchie, mais n’ont pas été récompensés par elle après la Restauration. Il y a enfin le regret des temps anciens et définitivement disparus.

Le roman montre le rôle des femmes qui n’étaient pas exilées, contrairement aux hommes, et qui sont restées dans les châteaux et apportaient leur aide décisive aux combattants.

Un récit efficace, sans les préciosités habituelles de l’auteur, très bien mené.

 

Anonyme, Les noyades de Nantes, fin 18e siècle, Château de Nantes

Heureusement, nous n’aperçûmes pas l’ombre d’une patrouille dans cette ville, morte de sommeil. Des réverbères très rares, et à de grandes distances les uns des autres, tremblaient au vent à l’angle des rues. Suspendus à de longues perches noires transversalement coupées par une solive, et figurant un T inachevé, ils avaient assez l’air de potences. Tout cela était morne, mais peu effrayant. Nous enfilâmes une rue, puis une autre. Toujours même silence et même solitude. La lune, qui se brouillait de plus en plus, se regardait encore un peu dans les vitres des fenêtres, derrière lesquelles on ne voyait pas même la lueur d’une veilleuse expirante.

 

Grâce à Wikipedia, je découvre qu’il a existé un vrai Destouches ! Il y a probablement dans ce roman si réussi des souvenirs de récits au coin du feu, où l'on racontait les exploits des ancêtres pendant les guerres de la chouannerie.

Barbey d'Aurevilly sur le blog :

 

Dans quelques jours, je partirai en vacances. Il y aura quelques poésies sur le blog en attendant mon retour triomphal et la publication de mes photos de vacances (le blog, l'autre nom de la soirée diapo).



8 commentaires:

keisha a dit…

Jamais lu l'auteur, je sais, c'est un classique...
Blog ou diapos? Tiens je n'avais pas fait le rapprochement!

nathalie a dit…

Avec des amis il nous arrive de montrer nos photos de vacances, la clé USB sur la télé à la place des diapos ! Mais ici, c'est à plus grande échelle.

Ingannmic, a dit…

J'aime bien lire Barbey d'Aurevilly de temps en temps (j'ai une "compilation" de chez Quarto dans lequel je pioche). Je viens de relire mon billet sur celui-là, et je vois que j'en avais surtout apprécié le ton, mais que j'avais relevé une écriture parfois affectée (quoique comme tu le soulignes, on n'est pas ici dans la préciosité que l'on retrouve dans d'autres de ses titres).

Et je vois que tu lis "La taverne du doge Loredan", j'ai adoré ce roman (et j'ai d'ailleurs lu récemment un autre titre d'Ongaro pas encore chroniqué, "La partita", pas mal mais pas aussi bon que celui-là).

Je retiens aussi la formule sur les diapos, excellent !

nathalie a dit…

Ça doit faire 10 ans (ou 8 seulement) que je dois lire La Taverne ! J'ai lu 2 autres titres de lui, mais pas la Partita ceci dit.
J'aime bien Barbey, malgré son style souvent pénible. Ses romans sont vraiment curieux.

miriam a dit…

Un classique que je n'ai pas lu. encore mes lacunes à combler

nathalie a dit…

À lire quand tu iras en vacances dans la région.

Patrice a dit…

C'est un auteur que je n'ai encore jamais lu, même si je crois avoir "Les Diaboliques" à la maison. Merci pour cette découverte !

nathalie a dit…

Profites-en, le recueil des Diaboliques est particulièrement réussi.