La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



jeudi 6 octobre 2022

Mais, à dire vrai, ce qu’il y a eu de plus intéressant je l’ai oublié.

  

Mircea Eliade, Le Vieil homme et l’officier, traduit du roumain par Alain Guillermou, publication originelle 1968, édité en France par Gallimard.

 

Au premier chapitre, à Bucarest, un vieil homme se rend au domicile d’un officier (et on note l’attitude pleine de crainte des voisins). Il prétend avoir été le directeur de son école primaire, il y a longtemps, bien avant le régime actuel. Le militaire nie totalement et le flanque à la porte. Mais un autre officier trouve cela intéressant. Le lendemain, le vieil homme est arrêté et on lui demande de raconter.

Raconter quoi ? Ce n’est pas très clair, surtout que le vieil homme n’est accusé de rien et n’est appelé à témoigner de rien de précis. Heureusement, il est bavard et complaisant et il couvre sans peine des dizaines, puis des centaines de pages d’histoires. Des histoires dont il manque toujours la fin ou le début, qui se croisent et s’engendrent mutuellement, et dont on ne voit jamais le bout. Des histoires surnaturelles avec une cave qui se remplit d’eau, des signes mystérieux, une géante, un taureau et des chevaux… Des contes, le souvenir d’un folklore disparu, d’un monde lui aussi disparu, où il est impossible de se repérer.

Pourtant, les agents de la police secrète s’acharnent à essayer de trouver un sens et des explications à tout cela. Ils plaquent sur ces récits leur logique paranoïaque parce qu’ils n’en connaissent pas d’autre, tout en étant malgré tout pris dans la toile des histoires.


On pourrait croire que je vous veux du bien, lui dit l’homme, et je me demande moi-même pourquoi. En effet, je ne suis pas écrivain, et je n’ai pas de folle passion pour l’œuvre des artistes et des romanciers comme tant de gens d’ici. Peut-être avez-vous compris, ajouta-t-il avec un sourire amer, que vos histoires ont passé par beaucoup de mains et qu’elles ont même été lues par de hauts responsables.


Marc Franz, Vache jaune, 1911 Guggenheim
Ce petit roman semble mêler tout à la fois la source inépuisable des contes orientaux et le labyrinthe arbitraire d’un monde à la Kafka. Le lecteur ne sait pas très bien comment cela va finir – en farce, en tragédie – même si avec un peu d’expérience il sait que cela peut surtout ne jamais finir.

Un roman très réussi, prenant, plein de charme et d’humour.

 

Farâma se tut et devint tout rêveur.

- Et après ? demanda l’homme. Que s’est-il passé avec Oana ?

- Justement, c’est à cela que je pensais, dit Farâma en se frottant les genoux, l’air embarrassé. Mais comment vous raconter la suite si je ne reviens pas en arrière et si je ne vous parle pas de Lixandru et de Darvari, si je ne vous parle pas, surtout, des nouveaux amis qu’ils avaient rencontrés dans le cabaret de Fanica Tunsu ? C’est une longue histoire et, pour que vous la compreniez, il faut que vous sachiez ce qui est arrivé à Dragomir et à Zamfira.

 

Merci Eva pour la lecture ! Je ne me serais pas tournée de moi-même vers Eliade, mais voilà, on m’a prêté le roman après que j’ai parlé de La Convocation d’Herta Müller au club de lecture.




6 commentaires:

  1. Tous ces auteurs à découvrir... Soupirs...

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    1. Oui, c'est une catastrophe Thérèse. (pardon)

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  2. Dans mon ignorance, je n'ai jamais été particulièrement tentée par Eliade, mais ça peut changer à la lecture de billets tels que le tien.

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    1. On me l'a prêté d'autorité, donc je l'ai lu. Je reconnais que la lecture de sa fiche Wikipedia n'est pas très engageante !

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  3. C'est un hasard, mais en voulant prendre un peu d'avance pour 'Le Mois de l'Europe de l'Est", je viens de lire récemment un autre livre de Mircea Eliade, "La nuit bengali", qui m'a également beaucoup plu. Une belle découverte et je continuerais bien avec le titre que tu as chroniqué !

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    1. Ah oui tu es très en avance ! Je pense que ce titre te plaira. Et je lirai le tien sur le titre que tu cites avec intérêt.

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