La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 5 septembre 2023

Aristide Rougon s’abattit sur Paris, au lendemain du 2 décembre, avec ce flair des oiseaux de proie qui sentent de loin les champs de bataille.

 

Émile Zola, La Curée, 1871.

 

Le roman s’ouvre par le retour d’une promenade au Bois (de Boulogne). Les calèches se frôlent, les belles s’observent. Sauf qu’il ne s’agit pas encore d’un motif canonique : le Bois et ses allées sont tout neufs. Nous sommes à Paris, le baron Haussmann est en train de tailler de grands axes et la spéculation bat son plein, sous l’œil bienveillant du nouvel empereur.


Alors dans ce vide, l’empereur parut.


Le personnage central est Renée, héritière d’une stricte noblesse de robe, mariée à un fils Rougon qui a pris le nom de Saccard et qui s’est rapidement enrichi. Il ne possède rien, mais roule sur l’or et fait des affaires. Renée s’ennuie dans son bel hôtel du parc Monceau, elle aimerait tomber amoureuse.


C’était l’école classique, la femme en vieille robe noire portant des billets doux au fond de son cabas, mise en face de l’école moderne, de la grande dame qui vend ses amies dans son boudoir en buvant une tasse de thé.


La curée, c’est celle qui s’abat sur la ville de Paris, dont les anciens quartiers sont dépecés par des prédateurs jamais rassasiés, mais aussi celle qui vise les femmes, violées, dénudées, dépouillées comme autant d’instruments de triomphe et d’objets d’agrément. C’est un roman où les personnages sont peu sympathiques, même s’ils peuvent susciter la pitié, et où il ne se pas grand-chose, excepté une progression de l’irrésistible curée. La lectrice n’est pas à l’abri de ressentir dégoût et lassitude, un peu comme Renée.

C’est la construction du beau Paris d’aujourd’hui, de son architecture harmonieuse et de ses grands axes connus dans le monde entier, mais l’intérêt de Zola porte sur les mécanismes financiers, sur la corruption financière et morale et sur le trafic d’influence, qui sont associés sans faillir à ces grands chantiers.

Je note un couple de femmes à l’arrière-plan du roman. Elles suscitent la moquerie, mais semblent bien heureuses. Il y a aussi le personnage de Maxime, androgyne, mais vivant des femmes, que Zola montre comme un être dépravé et manquant de volonté - c'est plus ambigu.

Roll, Après le bal, 1886 Nantes
 

Les rires reprirent de plus belle ; Louise riait franchement, plus haut que les hommes. Et doucement, au milieu de ces rires, comme sourd, un laquais allongeait en ce moment, entre chaque convive, sa tête grave et blême, offrant des aiguillettes de canard sauvage, à voix basse.

 

Les appétits lâchés se contentaient enfin, dans l’impudence du triomphe, au bruit des quartiers écroulés et des fortunes bâties en six mois. La ville n’était plus qu’une grande débauche de millions et de femmes. Le vice, venu de haut, coulait dans les ruisseaux, s’étalait dans les bassins, remontait dans les jets d’eau des jardins, pour retomber sur les toits, en pluie fine et pénétrante. Et il semblait, la nuit, lorsqu’on passait les ponts, que la Seine charriât, au milieu de la ville endormie, les ordures de la cité, miettes tombées de la table, noeuds de dentelle laissés sur les divans, chevelures oubliées dans les fiacres, billets de banque glissés des corsages, tout ce que la brutalité du désir et le contentement immédiat de l’instinct jette à la rue, après l’avoir brisé et souillé.

 

C’est le deuxième volume de la saga. J'ai préféré La Fortune des Rougon.

Miriam a publié un billet à la fois sur La Fortune des Rougon et La Curée.

Dans quelques mois, la suite...





8 commentaires:

keisha a dit…

Miriam engloutit les RM à grandes enjambées, incroyable!!! Je comprends que ce soit assez addictif. Si j'en relis, ce sera en choisissant, car l'aventure est celle de plusieurs années, non?

nathalie a dit…

Je compte en lire 2, voire 3, par an, et comme il y en a 20, oui, j'en ai pour quelques années. Je ne sais pas si c'est addictif, mais cela se lit étonnamment bien. Je gardais un souvenir plus sombre et lourd, et pour le moment, aucun problème à engloutir un volume. Il faut dire qu'il y a seulement 250-300 pages, ce n'est pas si énorme.

Dominique a dit…

j'avais lu la curée avec plaisir mais ce n'est pas mon préféré

claudialucia a dit…

Je viens de voir mon commentaire disparaître ! Je ne sais pas s'il a été envoyé. Je disais qu'il y avait encore beaucoup de romans de Zola que je n'avais pas lus, de me prévenir si vous faites des LC avec Miriam.

nathalie a dit…

Non en effet, j'ai aussi ressenti un certain désintérêt.

nathalie a dit…

Aucune LC prévue de mon côté et j'ai l'impression que Miriam en a déjà lu la moitié !

Ingannmic, a dit…

Je l'ai beaucoup aimé celui-là, notamment pour sa férocité.. et je me rends compte que j'avais moi aussi émis l'intention de lire quelques Zola par an et que.. hum.. ma dernière lecture remonte à 2019 (La terre, que j'ai adoré). Allez, je remonte Thérèse Raquin en haut de ma pile...

nathalie a dit…

Moi je me suis un peu ennuyée pour tout dire.
Je note que si tu n'accélères pas, j'ai une chance de te doubler !