Petite Passion, petit récit de la Passion en images, c'est déjà le dernier épisode... La semaine dernière, je vous montrai des images de la Résurrection. Aujourd'hui, l'histoire continue...
Se tient d'abord l'épisode dit de Noli me tangere, rencontre entre Jésus ressuscité et Marie-Madeleine, au premier jour de la Résurrection. Puis pendant 40 jours, Jésus erre sur terre et se fait connaître à diverses personnes. Ensuite se déroule l'Ascension où il quitte définitivement le monde humain et terrestre, puis la Pentecôte qui lance les Apôtres sur les routes du monde pour leur mission d'évangélisation. Je clos l'histoire avec les Arma Christi.
En 2020, je vous avais montré plusieurs représentations du Noli me tangere, dont celle d'Edward Burne-Jones. Caravage avait fourni Le Souper à Emmaüs et L'Incrédulité de Saint Thomas. L'Ascension était l'occasion de voir les doigts de pied de Jésus, à la fois en ivoire et en peinture baroque et la Pentecôte était illustrée par une belle peinture de Nolde. Et je vous avais proposé plusieurs Arma Christi, sur des supports très différents.
Cette année, tout est regroupé et l'histoire est trouée !
Peinture anonyme, Intérieur d'une cuisine ou les Pélerins d'Emmaüs (fin XVIe ou début XVIIe, Lille Hospice Comtesse). Un tableau de cuisine ? Il faut regarder à l'arrière-plan à droite...
Alors que les scènes de repas des Évangiles donnent souvent lieu à l'évocation en arrière-plan d'une auberge, ici c'est l'inverse. La cuisine est au premier plan. Les cuivres sont rutilants, on rôtit les volailles et l'on se dépêche. J'aime bien les détails concrets : le trousseau de clés, la broche, le chat... le peintre n'a pas le talent de Van Eyck mais s'inscrit clairement dans cette tradition. Dans la salle, où le sol est bien propre, un chien ronge un os, comme s'il était sur le Golgotha, et l'on dîne. Jésus se reconnaît à son auréole et l'un des pèlerins porte le turban. L'eau et le vin repose dans une bassine, au frais.
La scène est charmante.
Anonyme, Le Souper à Emmaüs (XVIIe siècle français, musée de Nantes). Voilà qui est plus canonique.
Le repas est plus riche aussi, pain et viande. Un des pèlerins se sert du vin, pendant que l'autre écoute. Un intérieur simple et ordinaire, calme et tranquille.
Matthias Stom, Le Repas à Emmaüs (1640 Thyssen Bornemisza).
Le caravagisme, c'est quoi ? C'est ça. Magnifique adaptation nordique de la lumière de Caravage, avec ce face à face très resserré. Les personnages sont unis par la lumière chaude et dorée qui ne se dégage pas tant de la bougie que de la figure de Jésus. Il vient de rompre le pain et ils le reconnaissent. Même le jeune garçon qui fait le service est saisi.
Et ces couleurs somptueuses.
Mattia Preti, Jésus-Christ apparaît aux apôtres et à Saint Thomas (XVIIe siècle, Gênes Musei di Strada nuova).
J'ai cru qu'il s'agissait d'une simple incrédulité de Saint Thomas, mais c'est un peu plus que cela. Jésus a un visage triste, peut-être un peu déçu et résigné, pendant qu'on le scrute et que l'on examine ses blessures. Encore une fois, le voici au centre des regards comme dans tant d'épisodes précédents (arrestation, enseignement, ecce homo, etc.). Décidément, seul au milieu de tous, même au milieu de ses amis. Les apôtres touchent et palpent. L'ensemble des figures se détache sur un fond brun dans une demi pénombre.
Zonja Enkelejd, In your Vein (2011 Mucem).
Et c'est quoi ce truc ? Et bien
Hoxha, le dictateur albanais, qui se prend pour le Christ et qui force le pèquenaud à reconnaître le miracle... ou comment se moquer de l'arrogance et de la propagande.
J'aime bien le fait que les visages des deux hommes à droite s'inscrivent dans la longue lignée de la peinture caravagesque : des têtes d'expression, burinées, des visages réels, face à la lumière divine de pacotille.
Ce bâton de confrérie de la Corporation des maçons et tailleurs de pierre (XVIIIe siècle, bois et plâtre, musée d'Issoudun) représente l'Ascension (et une ascension sculptée, c'est audacieux). Jésus s'élève entre deux anges.
Mossa, L'Ascension (1905, aquarelle, galerie Ary Jan).
Une drôle d'Ascension où on ne voit même plus les pieds de Jésus (ce qui traduit un certain humour). Seulement les yeux des bergers qui scrutent le ciel à la recherche de la dernière trace et les apôtres regardant le vide. La peinture est constituée pour trois quarts de ciel vide et pour un quart de personnages tournant le dos aux spectateurs, à la recherche de quelque chose. Jésus a totalement disparu.
Anonyme, Messe de Saint Gregoire (1500, Bruges musée Groeninge).
Connaissez-vous cet épisode de la vie de Saint Grégoire ? Il s'agit bien du pape Grégoire. Celui-ci célèbre la messe alors que dans l'assistance quelqu'un rit au moment de la Communion et doute de la réalité de la présence de Jésus. Grégoire prie et l'hostie se transforme alors en doigt sanguinolent. Et puis l'hostie reprend sa forme de rond blanc et Grégoire donne enfin la Communion. Au fil des siècles, l'épisode a gagné en épisode et c'est un Christ de douleur tout entier qui apparaît sur l'autel (
plusieurs exemples sur la page Wikipedia) (celui de Jérôme Bosch est particulièrement beau).
Ce tableau est remarquablement riche, parce que l'apparition n'est pas seulement celle d'un Christ de douleurs, mais l'intégralité des Arma Christi : croix, voile de Véronique, baiser de Judas, colonne de la flagellation, vêtements et dés, tenailles, etc.
De plus, en bon tableau flamand du XVe siècle, les détails abondent de toute part : le retable de l'autel montre le Portement de Croix et la Déposition (on peut donc supposer qu'une Crucifixion se tient au centre même de l'oeuvre, comme elle est au centre du christianisme), les prélats tiennent des livres qui s'ornent d'images (et on dirait bien qu'il y a une Crucifixion sur celui posé sur l'autel), les vêtements sont riches et ornés. Il faut noter tous les détails : l'encensoir qui vole, les gestes des mains, les ornements lithurgiques...
Voilà, avec ce tableau, vous pouvez réviser toute l'histoire de la Passion.
C'est le dernier épisode de ce petit récit de la Passion, plus court que le précédent, mais avec des oeuvres nouvelles. Un jour, il y aura le récit en image de l'Ancien testament et de la mythologie gréco-romaine.
J'espère que vous allez bien. Les temps sont durs. L'angoisse et l'inquiétude nous tenaillent. On fait semblant de tenir bon (bien aidée par les heures de travail) ou on est paralysé. J'ai beaucoup trop travaillé en juin et juillet sera plus paisible.
À l'heure où j'écris, les travaux de la salle de bain ont commencé (je sais qu'il y a ici des gens qui prennent des nouvelles de ma vie).
Le prochain billet "week-end" paraîtra au retour des vacances, fin août. En attendant, encore quelques billets de lecture.
le tableau albanais est impayable!
RépondreSupprimerOui, c'est quoi ce truc? ^_^
RépondreSupprimerAh oui, le baton e confrérie, fort émouvant dans une certaine naiveté.
Hier, visite petite église du coin, fresque, et trucs intéressants, mais est-elle ouverte régulièrement?
@miriam : Oui franchement c'est surprenant.
RépondreSupprimer@Keisha : ça... faut aimer l'imprévu.
Tu nous gâtes vraiment avec tes images et tes explications, merci!
RépondreSupprimer(j'espère que les dernières infos feront baisser le niveau d'angoisse-inquiétude... au moins pour le court terme)
@Passage On a gagné on a gagné on a gagné !
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