La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



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jeudi 12 juillet 2012

L’oiseau et le poisson peuvent tomber amoureux. Mais où construiront-ils leur nid ?


Richard Powers, Le Temps où nous chantions, traduit de l’américain par Nicolas Richard, 1e publication 2003, Paris, Le Cherche midi, 2006.

J’avais essayé de lire ce roman au printemps mais sans succès. Comme j’en entendais beaucoup de bien, j’étais décidée à lui laisser sa chance et j’ai emmené ses 1040 pages avec moi en Finlande. Je l’ai fini mais je ne suis toujours pas convaincue.
L’histoire a tout pour intéresser. Nous sommes aux États Unis, dans les années 60. Nous suivons le destin de la famille Storm du point de vue de Joseph, le fils cadet, et un peu aussi, grâce à des retours en arrière, de Delia, la mère. À la lecture progressive du 1er chapitre nous comprenons lentement que cette famille n’est pas comme les autres et pas seulement en raison du don pour la musique qui habite chacun de ses membres. Le père David est un juif allemand dont toute la famille a péri sous le nazisme, immigré mais blanc. La mère Delia descend des tout premiers habitants de l’Amérique, elle est noire. Leurs trois enfants sont chacun d’une couleur différente mais tous ont sur leur acte de naissance la mention « de couleur ». Élevés dans l’amour et la pratique instinctive de la musique classique, ils ignorent tout du monde extérieur et de la folle ségrégation. Le roman raconte leur vie.


Les fils virtuoses de la musique classique, celle des blancs, celle de l’Europe. La fille qui s’engage pour le combat pour les droits civiques. C’est d’abord cela que raconte le livre : une mère qui ne peut accompagner ses enfants dans un magasin car ils n’ont pas la même couleur de peau. C’est extrêmement intéressant d’avoir accès aux récits des souffrances anciennes et quotidiennes, aux combats et déchirements intérieurs toujours recommencés – mais le livre est loin d’avoir la violence de Chien blanc de Romain Gary.
Les passages les plus réussies sont celles où l’auteur essaie de décrire la musique, la voix, les concerts, les chœurs, les mouvements des instruments. C’est un pari audacieux et réussi, le livre donne envie de musique, toutes sortes de musiques.
Mais l’ensemble du livre m’a laissée un peu froide et les personnages ne m’ont pas intéressée. C’est dû à l’écriture qui assourdit tous les événements et met du miel là où il faudrait un peu de relief. C’est dommage.

Des huit vives mesures, la voix de soprano s’élève, comme un crocus poussé dans la nuit sur un gazon encore frappé par l’hiver. L’air progresse de la manière la plus simple : un do stable entre sur le temps faible, tandis que le temps fort se rétablit sur le instable de la gamme. À partir de cette impulsion légère, le morceau se met en mouvement, jusqu’à se chevaucher lui-même, se livrant à une sorte de catch à quatre avec son propre double alto. Puis, en une improvisation commandée par la partition, les deux lignes de chant se replient sur le même inévitable sentier de surprises, moucheté de taches mineures et d’une lumière soudain vive.

Participation aux 12 d'Ys, catégorie "pavé" (6/12). Le billet de Bernard qui avait beaucoup aimé.




vendredi 13 avril 2012

Le pays finit de somnoler dans sa feinte innocence.


Richard Powers, Le Temps où nous chantions, traduit de l’américain par Nicolas Richard, 1e éd. 2003, Paris, Le Cherche Midi, 2006.

Je laisse la parole à Bernard pour un livre que j'aurais dû lire pour le défi les 12 d'Ys mais dont les premières pages ne m'ont pas convaincue, je réessaierai, je pense.

  Il faut goûter ce livre. Quitte à le prendre par petites doses. Tentez un chapitre au hasard, un pur plaisir de lecture : finesse des descriptions, subtilité des sensations, rythme des mots, des phrases.
  Trois enfants issus d’un couple mixte traversent l’histoire américaine des années 45/50 à la fin du XXe siècle. Ils seront artistes, chanteur lyrique international pour le premier, pianiste accompagnateur pour le deuxième. La benjamine militante radicale des droits civiques et Blacks Panthers notoire aura aussi à sa manière une vie hors normes. Quant aux parents ils sont les précurseurs d’un mode de vie qui ne fait pas l’unanimité à l’époque.  
  Presque 1000 pages, un pavé ! Mais le sujet est magnifiquement traité. Les rapports humains sont disséqués et le contexte politico social parfaitement rendu tout comme les souffrances qui ont construit ce pays, la modernité et les archaïsmes dont il est capable. 
  Il est certain qu’être noir aux Etats Unis n’a jamais été  facile mais à ce point !  L’american way of life en sort sérieusement ébranlé. Pourtant en se façonnant autour de douloureuses épreuves  ces personnages  reflètent l’immense bonheur de vivre les vies qu’ils ont choisies.   Mais quel combat !
Nicolas Richard  signe la traduction de cet ouvrage. La maîtrise parfaite d’une langue ne suffit pas ; il faut en plus une connivence, une intime complicité mais surtout la magie qui permettra de changer la langue d’un livre en lui laissant toute sa puissance. Qu’un hommage soit rendu à ces artistes qui mettent à notre portée une littérature mondiale qui, sans eux, resterait  inconnue dans sa substance pour la plupart d’entre nous.

Le début :
Quelque part dans une salle vide, mon frère continue de chanter. Sa voix ne s’est pas encore estompée. Pas complètement. Les salles où il a chanté en conservent encore l’écho, les murs en retiennent le son, dans l’attente d’un futur phonographe capable de les restituer.

La clarinette de M&M par M&M.