La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 25 avril 2020

Voici l'homme

Suite du récit de la Passion en peintures.
La semaine précédente, Jésus était jugé et condamné.

C’est ensuite qu’a lieu l’épisode où Pilate présente Jésus à la foule et où il annonce : « Voici l’homme ! » Ecce homo. La foule choisit de faire gracier Barabbas, un brigand, et de faire condamner Jésus.
Et Pilate se lave les mains !

En peinture, on a quelquefois une incertitude dans la représentation. Le peintre peut en effet représenter Jésus seul (couronné d’épines et blessé) ou Jésus accompagné de Pilate ou Jésus encadré par des soldats. Dans ce dernier cas, on constate souvent une contamination entre plusieurs sujets : par exemple l’arrestation de Jésus ou la montée au Calvaire montrent également Jésus encadré de très près par des soldats menaçants. C’est ainsi que les œuvres d’art ne respectent pas toujours le récit strict et imprègnent un sujet avec un autre. De façon générale, le spectateur de la peinture est identifié à la foule, celle qui a le pouvoir de libérer ou de condamner (parmi les exceptions, une gravure de Rembrandt). Ce sont donc des oeuvres qui laissent une place particulière au spectateur et qui jouent sur l'interaction avec celui-ci.

Il n’est pas dans l’ordinateur (image Wikipedia), mais j’adore décidément beaucoup trop Tintoret pour passer sous silence cette magnifique peinture qu’il a réalisé pour la Scuola di San Rocco à Venise vers 1565. Vous voyez le Christ effondré sur l’escalier du palais, présenté dans un vêtement qui est déjà un linceul (on est quasiment dans une lamentation sur le corps du Christ mort), Pilate dans sa robe rose et son geste théâtral et le soldat, dont l’armure rutilante reflète à la fois le sang et la lumière. La peinture est située au-dessus d’une porte et c’est donc à nous que s’adresse Pilate, nous qui tenons le rôle de la foule condamnant Jésus. C’est absolument magistral.


On passe à Caravage et à cet Ecce homo de 1605 (conservé au Palazzo Bianco à Gênes). Nous voyons Pilate en costume nobiliaire de l'époque, vieux sage ridé, figure sombre, qui contraste avec le corps lumineux du Christ, seule source de lumière de la toile. Derrière eux, un homme qui n'est pas un soldat, tient la tunique pourpre. Un talent sans les effets clinquants du Tintoret, sobriété de ce camaïeu de bruns, pas de geste emphatique, et la figure silencieuse de Jésus.
Le visage de Pilate est très réussi, il semble nous prendre à parti, mais avec une certaine résignation.

Le commanditaire du tableau de Caravage aurait également soumis le sujet à Cigoli et à Passignano, pour les mettre en compétition. L'Ecce homo de Cigoli se trouve aujourd'hui à Florence (Offices). Plus de couleur ici. Est-ce bien Pilate ce vieil enturbanné ? Et l'acolyte dépenaillé qui tient la tunique ? Quel contraste !

Nous passons à Luis Morales, peintre espagnol du XVIe siècle, maître des Vierge de douleur et des Christ souffrant. Il a peint uniquement des huiles sur bois. Ce Christ souffrant se trouve au musée Calvet d'Avignon. Ce n'est pas exactement un Ecce homo, ici le spectateur ne joue aucun rôle, mais l'oeuvre s'inscrit clairement dans la même iconographie. Le spectateur est invité à méditer sur les souffrances endurées par Jésus, le tableau constituant un support à la piété et à la prière individuelle. Les traits creusés du Christ (ce cou !), regard levé vers le ciel, les gouttes de sang, beaucoup de pathétique. Et les très longues mains sont magnifiques.

Vous pouvez aussi écouter l'Ecce homo de Guillaume Bouzignac - c'est extrêmement beau.

Dans un autre style, je vous renvoie à cet extrait de la Vie de Brian .

La semaine prochaine, il nous faudra enfin monter au Calvaire.

Les semaines précédentes : Je vous ai montré des natures mortes (XVIIe et XIXe siècles) en prenant prétexte du Carême. Puis vous avez eu les RameauxLa Cène et le Lavement des pieds. La nuit au Jardin des Oliviers et l'arrestation de Jésus. Le procès de Jésus (flagellation et couronnement d'épines).

Point Confinement : Y en a marre, non ? Fatigue de la routine, de cette vie qui, même si elle est confortable, est sclérosée. En attendant, je bosse, deux sorties par semaine pour les courses, cuisine, lecture, on tient bon, je tiens toujours bon.

4 commentaires:

  1. Toujours aussi intéressant et bien expliqué.
    Oui, on tient bon, objectif 11 mai?

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    1. Tu es mon meilleur public !
      Au moins jusqu'au 11 mai, nous sommes dans un marathon dont la ligne d'arrivée se déplace ou est un peu mouvante !

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  2. Merci pour ce billet passionnant et très instructif ! Là, on commence à atteindre les moments de la vie de Jésus que je préfère en peinture.
    De mon côté, c'est plutôt la fin du confinement que je guette avec angoisse. Je crois que mon état naturel, si la société ne m'obligeait pas à autre chose, ce serait clairement le confinement. Je t'envoie du courage pour ces dernières semaines ! Moi, c'est après qu'il m'en faudra !

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    1. J'ai envie de revoir mes amis, de l'autre côté de la ville ! Et du pays ! Et de marcher, en ville. On est en train de louper la saison de la randonnée, c'est triste.

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