La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 3 novembre 2020

Sans être heureux parce qu’on est pas capables, on va peut-être avoir une vie plus endurable !

Michel Tremblay, Un objet de beauté (sixième et dernier tome des Chroniques du Plateau-Mont-Royal), parution originale 1997, édité en France par Actes Sud.

C’est la fin… Nous sommes dans les années 60 à Montréal. La grosse femme du premier volume est atteinte d’un cancer et s’apprête à mourir. Édouard est loin, dans un théâtre. Marcel, le petit garçon rêveur du premier et du cinquième volume, est devenu grand, mais dans son corps d’adulte, il est resté enfant. Il suscite la préoccupation constante de sa mère, l’irascible Albertine.

Un dernier et beau volume pour dire adieu à cette folle famille, si furieuse et si attachante. Albertine, sans cesse déçue par la vie, pleine de colère, ne se laissant jamais aller à la douceur, mais si attentive et désemparée face à la mort de sa belle-sœur et face à la maladie de son fils. Albertine s’affronte sans cesse aux désillusions et à sa fille, Thérèse : ces deux-là s’aiment et se haïssent, elles se connaissent si bien qu’elles savent parfaitement comment se faire souffrir. C’est pitié. Elles me font penser à une amie et à sa mère, incapables d’une relation pacifiée.


Oui, elle a fait ce qu’elle pouvait ! La vie en a voulu autrement ? Alors que la vie s’occupe d’eux : elle n’en a plus la force, elle abdique. Elle a abandonné toute velléité de se débattre parce que le sort, le maudit sort, la maudite vie, la maudite existence la bousculent toujours, depuis toujours, la malmènent, l’enfargent, la font tomber. Elle est tombée une fois de plus, un peu plus bas, un peu plus creux dans la vague la plus creuse de sa vie ; elle se noie, elle le voit très bien, elle l’accepte, elle attend le jour où toute résistance sera impossible, où la notion même de résistance n’existera plus pour elle et où elle pourra enfin sombrer.


Il y a Marcel, qui se réfugie sans cesse dans l’imagination, qui se raconte des histoires pour s’endormir, pour se détourner de la triste réalité. Un film, un roman, il est le grand héros. Chez lui, l’esprit pratique est incapable de résister face aux flux de l’émotion. Marcel est si attachant ! On devine que l’auteur a soigné ce personnage avec beaucoup d’amour. Étant presque incapable de m’endormir sans me raconter aussi de belles histoires, je m’y parfaitement retrouvée, même si la folie de Marcel peut prendre des tours inquiétants en cas de grande détresse.

Plus que tout autre, c’est un roman de femmes. Ici les hommes sont des ombres, morts, disparus, absents, falots, incapables de se nourrir. Le seul homme est ce grand dadais de Marcel, à l’esprit emprisonné dans l’enfance, sensible à tout ce qui se passe, notamment aux émotions sous-terraines.

J’ai beaucoup aimé ma lecture. J’aime beaucoup cette grande saga.

 

Erró, Sur la terrasse Fès, 1976, fondation Brownstone
Ses pas produisent ce bruit caractéristique qu’il aime tant, entre le crissement d’une croûte dure qui défonce sous le poids du marcheur et le froufroutement de la ouate qu’on serre entre le pouce et l’index, de la dernière neige de l’hiver qui achève, un rappel de ce qui a été, une promesse de ce s’en qui vient : tout est peut-être blanc aujourd’hui, mais tout pourrait très bien se retrouver vert demain matin. La neige est jeune et n’aura pas le temps de vieillir, elle va s’évaporer sous le soleil du printemps ou bien être avalée par le gazon qui pousse déjà.


On trouve un hommage à Gabrielle Roy. Et à Michel-Ange. Et à Dickens. Et à Monet.

 

Première participation pour Novembre au Québec, dans la catégorie classique québécois parce que Michel Tremblay s’inscrit explicitement dans les classiques de la littérature québécoise et francophone, que la dernière fois que je suis allée au Québec il était à la télé et que cette saga est immortelle. Vous êtes donc invités à écouter la chanson Plus tôt d’Alexandra StréliskiIl est vrai que cette lecture concourt également dans la catégorie saga portée par Nos joies répétitives de Pierre Lapointe.




14 commentaires:

keisha a dit…

Depuis le temps que je dois lire ce Tremblay (j'en ai lu juste un il y a longtemps).

Ingannmic, a dit…

J'ai beaucoup aimé, il y a plusieurs années, Un ange cornu avec des ailes de tôle, et je ne sais pas vraiment pourquoi je n'ai jamais relu cet auteur.. ce sont peut-être les 6 tomes qui me retiennent.. je participerai aussi pour la 1e fois à ce mois québécois, à partir de mon prochain billet. Je n'avais pas vu qu'il y avait un logo, je te le pique !

Dominique a dit…

je n'ai pratiquement rien lu de l'auteur mais de Gabrielle Roy oui et j'aime beaucoup

nathalie a dit…

Moi je refourgue à tout le monde Un ange cornu avec des ailes de tôle (je pense que je le répète tous les ans à la même époque !). C'est absolument extra.

Nathalie a dit…

Ce recueil de nouvelles est mon préféré. Je l'ai prêté, offert...
Pour la saga, j'ai lu un volume par an, un vrai bonheur. Et je crois qu'il y a un logo plus actuel (avec du gris) mais j'ai réutilisé celui de l'année dernière.

nathalie a dit…

J'ai Gabrielle Roy sur l'étagère depuis plusieurs années aussi !

sylire a dit…

J'ai aimé tout ce que j'ai lu de l'auteur (deux ou trois romans). Il m'en reste à découvrir !

Nathalie a dit…

J’ai aussi lu du théâtre, avec Les Belles sœurs, un texte très fort.

yueyin a dit…

je suis archifan de Tremblay mais je n'ai pas encore fini les chroniques bizarrement

nathalie a dit…

Il m'a fallu plusieurs années aussi. Et puis ce n'est pas une série, donc on peut se contenter d'en lire deux ou trois volumes sans sentiment de manque.

Hélène a dit…

J'ai lu des romans de Tremblay mais je ne suis pas sûre d'avoir lu un tome de cette saga

nathalie a dit…

Il écrit beaucoup, théâtre, nouvelles, romans... on ne peut pas tout lire.

isallysun a dit…

J'avais beaucoup aimé il y a quelques années, mais je tarde toujours à découvrir les premiers tomes! Oui, oui! Bon, j'ai la grosse femme dans ma PAL mais je doute d'avoir le temps de le caser en ce mois. Mais oui, on voyait l'attachement de Marcel, ce qui fait que je me souviens encore surtout de ce fait pour cette fin!

J'ignore si tu l'as lu, mais si tu veux revoir les personnages, tu peux lire la pièce Albertine en cinq temps (Oui, j'ai tout fait dans le désordre!)

nathalie a dit…

J'ignorais qu'il y avait une pièce de théâtre, mais c'est une idée.
Effectivement, Marcel fait le lien entre le 1er et le dernier volume, c'est ça qui est beau d'ailleurs.