La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 24 mai 2022

Ce qui arrive à ces femmes, personne ne doit le savoir.

 Elena Medel, Les Merveilles, traduit de l’espagnol par Lise Belperron, parution originale 2020, édité en France par La Croisée (printemps 2022).

 

Au début du livre, nous sommes à Madrid en 2018, nous faisons la connaissance de María, une femme déjà un peu âgée qui se rend à une manifestation de femmes, et Alicia, une jeune femme qui vend des sandwichs dans la gare d’Atocha et qui vit mal avec un homme indifférent. Ensuite, le roman remonte le temps et nous raconte leur vie.


María, comme presque tous les dimanches, tu cuisines pour toi, eh bien maintenant tu cuisinerais pour toi et pour moi.


María qui a abandonné sa famille et une fille née très tôt, sans père, pour faire des ménages et qui parvient à se faire une petite vie. María qui fait l’expérience du militantisme, enfin d’être la compagne de celui qui fait du militantisme, car les femmes n’ont pas d’idées à elles, n’est-ce pas. María qui fait le choix douloureux de l’indépendance. 

Alicia, née dans une famille d’abord riche, mais ensuite ruinée, qui a coupé les ponts avec tout le monde, qui s’est casée plutôt pour une raison d’appartement et de boulot et qui semble très isolée (et qui n’est pas très sympathique).

Très vite, le lecteur comprend le lien qui existe entre les deux femmes. Ce n’est pas un secret, mais ce petit truc de narration permet de donner un panorama plus large.

Zernova, Usine de conserves de poisson, 1927 Moscou Galerie nationale Tretiakov
Elles sont femmes, seules et pauvres. La pauvreté qui contraint à retirer les enfants de l’école pour travailler, qui force à prendre le bus de nuit, qui force à cohabiter, à faire des ménages, à s’occuper des familles des autres, à avoir une existence précaire. Les gens qui dissimulent leur accent provincial pour travailler à Madrid. Être femme, c’est se sentir obligée de répondre à un inconnu qui vous parle dans le bus, justifier ses dépenses, devoir sans cesse s’occuper de quelqu’un d’autre, mais vouloir un appartement à soi pour ranger ses livres à soi.

Je trouve que le portrait de société est très réussi, raconté en longueur, sur plusieurs années et plusieurs générations, avec des souvenirs qui s’enchevêtrent. C’est rapidement écrit, mais c’est bien fait. Tout cela est très vrai !

 

Elle compte trois femmes dans tout le bar : une entre la cuisine et le comptoir, la cinquantaine bien tassée, des taches sur son tablier, la femme du propriétaire, suppose-t-elle ; une autre, très jeune, assise à une table avec un groupe de garçons de son âge – la vingtaine, des étudiants qui grignotent un petit quelque chose avant de partir en soirée – ; et elle, trente-trois ans, qui aujourd’hui a décidé de sacrifier quelques heures de sommeil pour se joindre à la fête. Dans l’association, il n’y a pas beaucoup de femmes non plus, et presque toutes celles qui viennent aux réunions le font avec leur fiancé, et n’ouvrent jamais la bouche.


C'est mon dernier billet pour le mois espagnol de Sharon. Et c'est une autrice.

Liste des billets :

Max Aub : Le Labyrinthe magique.  3 Campo de sangre. 4 Campo francés

Federico García Lorca : Danse de la lune à Saint-Jacques et Gacela de la terrible présence



 

 


7 commentaires:

keisha a dit…

Je lis si peu de romans espagnols... Pourtant celui ci m'a l'air pas mal, non?

nathalie a dit…

Je pense qu'il te plairait. Il vient de sortir, tu pourras le trouver à la bibliothèque.

keisha a dit…

Exact, il est à la bibli, et disponible!

miriam a dit…

Comme Keisha ci-dessus, puor me dépayser un peu.

nathalie a dit…

Mais oui ça pourrait te plaire.

Sharon a dit…

Un roman que je note, je pense qu'il pourrait me plaire. Merci pour ta participation !

nathalie a dit…

Oui en effet !