La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 7 janvier 2023

Vierge à l'enfant

 Une série iconographique sur l’enfance de Jésus.

Il est donc né, le divin enfant. Et maintenant ? Les mieux informés d’entre vous s’attendent à voir arriver le thème dit de La Fuite en Égypte, mais non, ce sera une pause. Une pause de deux semaines. Et pourquoi ? Pour faire place à une série particulière de tableaux que je ne savais pas très bien où placer, j’ai nommé celle de la Vierge à l’enfant.

C’est qu’ils sont nombreux, très nombreux, et souvent très beaux, ces tableaux de la Madonna col Bambino. Il serait dommage de ne pas vous les montrer. Comme le thème de la nativité et celui de l’adoration (bergers ou mages) sont assez proches, j’ai décidé que c’était le bon moment. Le récit reprendra ensuite.

Si Jésus y est en général tout bébé (sauf à Vic, comme vous l’avez vu la semaine dernière), le thème est cependant intemporel. Des tableaux de dévotion privée ou de dévotion publique dans les églises, des médailles, des ex voto et un peu partout. Il en existe de toutes sortes, familières, hiératiques, simples, somptueuses, avec des personnages ou avec des accessoires. Pour aujourd'hui, une série de tableaux où sont simplement représentés la mère et son enfant, avec bien évidemment, l'accent mis sur la peinture de la Renaissance italienne.


Giovanni Bellini (1510, Brera). Un tableau qui saisit par sa simplicité. Marie monumentalisée par son manteau bleu, voile sur la tête, regard grave, maintenant à peine un Jésus nu. Les deux regardent le spectateur, mais d'un oeil un peu éteint. Leurs mains qui s'effleurent sont au centre de l'oeuvre. Le décor est celui d'une campagne triste, sans symbolisme échevelé. Ils sont simplement face à nous.

Giovanni Bellini (1500, Londres NG).
D'abord un mot sur le coloris somptueux de Bellini. Peinture à l'huile et à l'oeuf, qui permet ce bleu intense qui nous saisit. Et ces jolis petits nuages moutonnants.
Ici, une évidence : le thème de la Vierge à l'enfant entretient un parallèle étroit avec celui de la Vierge pleurant sur le corps du Christ mort, la Pietà. À nouveau cette Vierge en grand manteau bleu, yeux baissés, silencieuse, à nouveau cet enfant sur les genoux. C'est une façon de rappeler que le récit de la Passion se superpose toujours à celui de la Vierge à l'enfant. C'est particulièrement évident dans ce tableau.

École de Botticelli (fin 15e siècle, Lille BA). J'aime l'élégance du visage de Marie, tout en longueur, la délicatesse avec laquelle elle tient l'enfant, une petite main sous les fesses, les jolies boucles de Jésus et la façon dont les visages se touchent. Ici, pas de bénédiction sur le monde, mais semble-t-il, une mère et son fils. Avec l'ajout très savant de l'or sur les vêtements et les auréoles. Que tout cela est gracieux.

Bramantino (1503, Brera) remarquable à plus d'un titre. Marie ne porte plus le voile mais un gros turban rose. Et surtout, il y a cet immense manteau bleu, véritable centre de l'oeuvre, qui enveloppe, qui protège et qui cache. Et ce bambin agité, les bras vainqueurs, les bras en croix, annonçant ainsi sa mort et sa résurrection.
C'est sans doute Joseph qui se tient à côté et qui a été coupé (la toile a été remaniée) et à l'arrière-plan on aperçoit la famille en train de marcher.

Atelier de Ghirlandaio, Vierge à l'églantine (1485, Lille BA). N'est-elle pas charmante cette toute jeune fille, visage encore rond et jolies boucles ? D'un geste gracieux, elle retient le manteau et un bambin qui a l'air bien agité. Mais comme ils se regardent.
Il y a aussi ce voile transparent, qui entoure joliment son visage.
L'églantine ? Une simple fleur, blanche et pure comme la Vierge, avec des épines comme la couronne d'épines.

Un détail de la Vierge de la maison d'Orléans de Raphaël (Musée Condé). Le visage fin et délicat de Marie, avec cette superbe chevelure d'un beau blond vénitien. Voyez-vous le voile infime qui recouvre ses cheveux? Un trait d'or pour l'auréole, mais le visage est plein d'humanité. Je n'ai pas dû apprécier le bambin et je n'ai gardé de lui que ses adorables menottes.

Sortons d'Italie. José Ribera (1646, Philadelphie). Voici un tableau plein d'humanité et de fraîcheur. Une pose très naturelle, quatre grands yeux noirs, mère et fils complices face au spectateur, le coloris très simple, avec ces grands camaïeux de bruns que maîtrisent les peintres espagnols. Des chairs idéalisées, mais réelles. Aucun signe de surnaturel. Pas de hiératisme. Un de mes préférés pour cette semaine.


Pour finir, deux mises en situation.

À gauche, une grande sculpture (2 mètres de haut) se trouvant dans l'église San Filippo Neri à Gênes : apparition de la Madone à ce qu'il semble être un mineur (?)? Une belle sculpture en bois illustrant la proximité et la familiarité du thème.

À droite, une minuscule chose, un reliquaire en papier, fil, cire et carton (20 cm maxi) conservé à Arlaten, reliquaire en forme d'église baroque. Marie et son fils figurent le retable de l'autel majeur. (oui les colonnes en faux marbre son en dentelles) (mais les reliques de Jean-Baptise, elles, sont authentiques)


Une mise en situation à laquelle vous n'échapperez pas : à Marseille Vierge à l'enfant pour protéger la ville.

Série iconographique sur l'enfance de Jésus :  le début de la série ; Adoration des bergers ; Adoration des mages.
La semaine prochaine, nous poursuivons la thématique de la Vierge à l'enfant.


11 commentaires:

  1. J'apprécie comment tu fais 'parler' les tableaux en mettant en valeur les détails. Tiens, rien que les paysages, sur les premiers, le côté vie quotidienne. Et sur le Ribera, j'aime bien le mignon coude potelé.

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    1. Ah c'est un métier et puis il faut voir beaucoup beaucoup d'oeuvres pour... bien les regarder justement.

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  2. Si les vierges sont belles je trouve les enfants souvent difformes, trop gros, trop joufflu

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    1. Ceux là sont un peu grands mais pas si ignobles, je trouve.

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  3. Oui le Ribera est très beau. Je ne connissais pas, merci

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    1. C'est un magnifique tableau, à la couleur intense. Si humain.

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  4. Je rejoins Dominique pour dire que les Jésus ne sont pas toujours la partie la plus réussie - même si ta sélection montre qu'il y a évidemment beaucoup d'exceptions.
    Allez. encore un peu de musique en réponse à ton billet iconographique. J'hésitais entre deux Anglais mais voici plutôt un Français que j'aime beaucoup: https://www.youtube.com/watch?v=k4J7OcqHYoc

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    1. J’ai eu la chance d’entendre une ou deux fois un chœur chanter Poulenc et j’avais beaucoup aimé. C’était magnifique. J’espère pouvoir en réentendre prochainement.
      Merci !

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    2. Pour ma part, je l'ai chanté (pas cette pièce-la qui est pour choeur d'hommes, mais d'autres), alors j'ai une affection particulière pour ses pièces chorales. Mais sinon je ne crois pas les avoir jamais entendues en concert et ça me dirait bien aussi.

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  5. Et on aussi une jolie vierge de Boticelli, toute jeune, presque une enfant, et d'autres de l'atelier de Boticelli à Avignon (musée du Petit Palais)

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    1. Je me rappelle bien, oui, mais je n’ai pas gardé la photo.

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