Au début, une famille navigue sur un voilier dans le bleu de la Méditerranée. Et trouve les corps de dizaines de réfugiés morts noyés.
Ensuite, l'auteur, Aurel, entreprend un album sur l'histoire de la Méditerranée, même si le projet est un peu vague. Il rencontre Braudel, en se rendant sur sa tombe au Père-Lachaise et en lisant des passages de son livre, il rencontre Patrick Boucheron (le Boucheron qui a dirigé L'Histoire de la France au XVe siècle, souvenez-vous) qui l'invite à se départir d'une vision trop « mer de partage et d'échange » et à mettre en avant les pirates et les traducteurs, un linguiste qui raconte comment les langues se propagent, se concurrencent, s'installent (et vous aurez la vraie histoire de l'abricot), un spécialiste de l'histoire de l'agriculture néolithique qui trace l'histoire des céréales, une historienne des mouvements politiques du XIXe siècle qui lui rappelle tous ces gens exilés en Espagne pour fuir la Restauration, etc.
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"Il faut sortir un peu de l'histoire « Unesco » de la Méditerranée espace des échanges, comme si c'était coooool." |
En parallèle, Aurel revient sur son enfance dans les Cévennes, à la limite du bassin versant de la Méditerranée. Il a une grande révélation sur la ratatouille – il est un peu naïf concernant la nourriture que mangeaient nos grands-parents.
C'est que tous ces entretiens se terminent par des considérations sur la supposée cuisine méditerranéenne. Je dis « supposée », mais lui est plus affirmatif, comme si elle existait en elle-même. Je suis plus sceptique. Il y a des histoires de cuisine individuelles, familiales, collectives, qui dépendent beaucoup de l'histoire de l'agroalimentaire et des cultures...
Un fil plus sombre, moins bavard, plus discret, accompagne tout l'album, celui d'Omar, un jeune homme qui fuit vers l'Angleterre, car la Méditerranée finit aussi dans la Manche. Les mers sont tapissées de cadavres. Même si ce volet est traité avec beaucoup de retenue, il reste difficile à lire pour moi. Mais c'est la vraie Méditerranée qui existe.
C'est une véritable BD, pas un de ces livres qui juxtapose un texte et des images, sans aucune articulation entre les deux comme il y en a tant. Ici, les images disent des choses que les mots ne disent pas et vice-versa. Le graphisme est créatif. Un album que l'on peut lire et relire.
Je dis quelquefois que je suis marseillaise, mais pas méditerranéenne. Cela peut étonner, et pourtant... (cela n'étonne pas celles et ceux qui m'ont rencontrée, je pense). J'aime le principe d'un livre qui n'apporte pas vraiment de réponse, mais qui invite à s'interroger sur son identité et sur celle des autres, sur ses identités et celles des autres, à ne pas se contenter de fausses évidences ni de l'étendue bleue, mais aussi à se tourner vers ses livres de cuisine en se disant : et alors ?
N'est pas en bibli, dommage... N'étant ni marseillaise, ni méditerranéenne, cela aurait été pas mal de découvrir...
RépondreSupprimerCela t'aurait fait voyager.
SupprimerCet album est un peu déstabilisant, non ? J'ai l'impression qu'il est à la fois homogène et hétérogène. Sinon, je ne désespère pas de lire un jour l'essai de Fernand Braudel sur la Méditerranée.
RépondreSupprimerMais non ce n'est pas déstabilisant. C'est pas plat, c'est tout.
SupprimerEn revanche, oui, c'est assez hétérogène, ce qui peut en constituer tout à la fois la limite et l'intérêt.
Braudel ne me tente pas vraiment (ou alors à la retraite comme dit Ingannmic), on n'écrit plus trop ce genre de livre en histoire.
Je garde du livre de Braudel sur la Méditerranée un souvenir assez traumatisant, c'était une lecture imposée dans le cadre de mon BTS (section tourisme...). Même à la retraite, je ne pense pas le relire, celui-là...
RépondreSupprimerEt cette lecture ne rentrerait pas dans le Book Trip de Fanja ?
RépondreSupprimerAucune idée pour cette question.
SupprimerBraudel en tourisme, c'est particulier quand même... Ce qui est intéressant, ce sont les conditions de rédaction (en camp de prisonnier) mais aussi la période qu'il représente, l'accent mis sur les grands empires, l'Espagne, l'oubli total de la colonisation... Le vrai problème est qu'il est édité en Champs Flammarion et que c'est tout petit serré (même s'il a été réédité en grand format). Le Mucem diffusait de courtes vidéos de lui dans une précédente expo et c'était très intéressant.