Arno Schmidt, Alexandre ou Qu'est-ce que la vérité ?, écrit en 1949 et publié en 1953, traduit de l'allemand par Claude Riehl, édité en France par Tristram.
Les boutiques pleines de portraits d'Alexandre, à tous les prix et dans la façon des trois mandatés officiellement : Apelle, Lysippe, Pyrgotélès. Des statues de plâtre, des moulages, « indispensable à toute maison loyale » (subtile alternative). Et aussi l'inévitable temple d'Alexandre sur la nouvelle agora.
Enfin, pour se rendre populaire, il supprima les impôts. Conféra aux Macédoniens le « rang d'honneur » dans l'armée. La race des seigneurs.
C'est que la pensée du narrateur est troublée par celle de l'auteur, un Allemand du XXe siècle, qui a connu la dictature, le culte de la personnalité, la violence collective, la soumission à un récit officiel, les conquêtes militaires qui s'écroulent... Voilà qu'Alexandre le Grand, le héros romantique et valeureux qui a traversé les siècles et fait rêver les jeunes garçons en composition latine qui planchaient sur Quinte-Curce, se superpose aux figures contemporaines tyranniques. Schmidt est habile : il ne plaque pas une réalité du XXe siècle sur le monde d'Alexandre, mais il questionne, rapproche, raille, brouille les contours. Une approche subtile, quand on sait le goût que le IIIe Reich a eu pour l'Antiquité.
Avec cela, c'est un tout petit roman d'histoire (60 pages), mais d'une densité et d'une érudition terribles ! C'est qu'il n'y a là aucun de ces passages pédagogiques si habituels dans ce genre littéraire, nous sommes plongés dans le quotidien du narrateur sans aucune explication. Il y a bien quelques notes de bas de pages, mais on peut aussi tenter de se laisser porter au long de l'Euphrate, sans comprendre toutes les allusions, mais en suivant les circonvolutions d'un esprit brillant.
Une langue qui ne s'embarrasse pas de manières et qui colle les pensées, les perceptions et les discours sans s'encombrer de toutes les contraintes grammaticales. À nous de suivre le flux, d'apprécier les apartés et les observations entre les dialogues et les réflexions.
Il est fait mention de Pythéas !
Le 9 thargélion : Suis curieux de le voir.
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| Hypnos, Italie 350-200, avJC bronze BM |
Le vent gémissait dans le ciel méchant : qui avait la couleur d'une peau humaine ; on l'avait marqué de nuages rouges, minces comme des lanières, à coups de fouet. Le fleuve fit claquer sa langue à plusieurs reprises et secoua le cuir ; mais les bateliers gardèrent leur calme ; expliquèrent : que la tempête et les tourbillons se cantonnaient aux couches supérieures de l'air, que ça ne descendait jamais.
C'est une relecture et donc il y a un premier billet : Alexandre ou Qu’est-ce que la vérité ?
Comme une vague envie de me remettre à lire Arno Schmidt - déjà abondamment présent sur le blog :
Cœur de pierre : son chef d'oeuvre, humour et intelligence
On a marché sur la lande : mon roman préféré. Un couple qui s'ennuie, l'homme raconte à sa chérie des histoires à propos des habitants de la Lune
Vaches en demi-deuil : un recueil de nouvelles
Scènes de la vie d'un faune : la vie en Allemagne en 1939 et pendant la guerre
Tina ou de l'immortalité : l'enfer des écrivains (un livre court et très drôle - vous pourriez commencer par celui-ci)


Pour cette année, c'est trop tard (ces feuilles allemandes, ratées pour moi cette année), bon, j'ai vérifié qu'il y a de courts textes en bibli...
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