La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 21 janvier 2023

Le Massacre des innocents


Série iconographique sur l’enfance de JésusAujourd’hui le Massacre des innocents.

Rappel des faits : le roi Hérode Ier, informé par les mages de la naissance du roi des Juifs à Bethléem, envoie tuer tous les enfants de moins de deux ans de la région (et comme dit Wikipedia chaque semaine : « L'historicité de ce récit est remise en cause. ») Il s’agit évidemment d’un rappel d’un épisode de l’Ancien testament destiné à mettre en parallèle Jésus et Moïse (le meurtre des garçons israélites sur l’ordre de Pharaon) et à faire écho à plusieurs prophéties anciennes dans un contexte où le roi Hérode est accusé de plusieurs massacres.

La commémoration de cet événement a donné lieu à l’instauration du jour des Saints Innocents par l’Église.

C'est parti pour quelques peintures.


Pieter Brueghel le jeune, Le Massacre des innocents (17e, Bruxelles, musées royaux), d'après un modèle créé par Brueghel l'ancien comme c'est bien expliqué ici. Dans un village flamand couvert de neige, un oeil distrait pourrait ne pas distinguer grand chose. Une scène de village comme celle du Dénombrement ou de l'Adoration. Sauf que les gens ne sont pas en train de discuter et les enfants ne sont pas en train de jouer. C'est une troupe de soldats qui occupe le centre du village et les soldats défoncent portes et fenêtre. Au centre du tableau, les soldats frappent les mères et leurs enfants. Un tableau très réussi par son contraste, violence du sujet et traitement quotidien.

Une grisaille attribuée à Jacques Stella (17e, Rouen BA). Le cadre est celui d'une ville antique, avec un édifice circulaire et un palais. Les vêtements sont également à l'antique. C'est une nuée générale. Le massacre ne se limite pas à Bethléem et le monde semble devenu fou. Les soldats pourchassent les femmes et les enfants et tout n'est que cris et désordre. Une composition très réussie, où la sobriété de la couleur n'empêche pas l'expressivité.

Nicolas Poussin (1625-1632 Musée Condé). On garde les costumes et le décor à l'antique (c'est une ville romaine), mais le choix est très différent puisque le peintre se concentre sur 4 figures : le soldat à l'épée et au grand manteau rouge qui maintient du pied l'enfant qu'il s'apprête à tuer, la mère qui s'accroche à lui et une seconde mère à l'arrière-plan. Une oeuvre d'une grande violence qui se concentre sur le moment décisif, juste avant le coup fatal. Tous les mouvements sont suspendus. Tous les corps sont tendus par l'exigence d'être expressifs. Si vous avez déjà vu Guernica, ces figures hurlantes ne vous sont pas inconnues. Il y a aussi la couleur de Poussin, un peu acide, très tranchée.
C'est l'oeuvre d'un grand maître qui transcende son sujet et son époque pour représenter, à travers les siècles, la brutalité d'un soldat s'en prenant à un enfant et à des civils.
La peinture donne lieu à un article très complet sur Wikipedia.

Mossa, Visions de guerre (1917 aquarelle, Musée Chéret Nice). Et ça ? Ce n'est pas du tout une représentation du Massacre des innocents, mais une oeuvre représentant les horreurs de la guerre, la Première guerre mondiale, avec un gros roi allemand (aigle sur le dos), comme Gargantua, qui broie les petits hommes. Mais ce village du nord de la France englouti sous la neige ressemble beaucoup à celui de Brueghel. Et les soldats qui massacrent les civils sont bien les mêmes. Nul doute que Mossa connaissait l'une des versions de l'oeuvre de Brueghel et que l'iconographie de la mort des civils traverse les siècles.

La semaine prochaine, nous nous intéresserons à ce qui se passe pendant ce temps-là pour Jésus et sa famille, car, comme vous le savez, il a échappé au massacre.

L'Enfance de Jésus : le début de la série ; Adoration des bergers ; Adoration des mages ; Vierge à l'enfant ; Vierge à l'enfant, second volet



6 commentaires:

  1. Je découvre ce qu'est une grisaille (et c'est finalement lumineux!)
    Un série assez violente...

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    1. La grisaille est une technique assez répandue dans le vitrail. En peinture, on en voit notamment dans les polyptyques, ces peintures sur bois à plusieurs volets, que l'on ouvre et ferme. Le revers est souvent (mais pas toujours) peint en grisaille.

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  2. Je dois dire que Brueghel l'emporte largement sur le sujet

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    1. C'est une grande composition, très frappante, très construite.

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  3. Evidemment Brueghel ! Quoique je te remercie de me faire découvrir Mossa que je ne connaissais pas du tout

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    1. Mossa est un artiste niçois, trèèèès spécial. Je vous en montrerai de temps en temps.

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