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samedi 11 février 2023

Circoncision et Présentation

 Série sur l’iconographie de l’enfance de Jésus à partir de mes photos, aujourd’hui quelques rituels d’une famille juive ordinaire, avec la Circoncision et la Présentation au temple.

Tout d'abord, la circoncision : il s’agit de l’ablation totale ou partielle du prépuce. Ce rite est obligatoire pour les juifs et donc Jésus n’y a pas coupé. Elle a lieu le huitième jour – donc le 1er janvier, si vous suivez bien. (Jetons un voile pudique sur les conditions d’hygiène de l’opération, dans une étable de Bethléem.) À l’occasion de la circoncision, l’enfant reçoit son prénom, Jésus, qui avait été indiqué par l’ange au moment de l’Annonciation.


Plusieurs églises revendiquent la possession du Saint Prépuce. Et pourtant, comme le dit Wikipedia : "L'idée que le prépuce de Jésus a été conservé, et que, de plus, il aurait été transmis à travers les âges n'a aucun caractère de vraisemblance historique puisque, selon la coutume, le prépuce est enterré après la circoncision." Ceci explique, ainsi que les ricanements goguenards, le succès variable de ces reliques auprès des pèlerins.


En peinture, il faut noter que les peintres placent souvent l’épisode au Temple de Jérusalem et non dans la famille. D’ailleurs l’épisode de la circoncision est souvent confondue avec celui de la Présentation (il faut dire que les artistes chrétiens n’étaient pas familiers des rites juifs antiques). Ou alors il est vu comme une sorte de rite équivalent au baptême. L’épisode peut aussi être représenté de façon à suggérer la Crucifixion à venir (position de l’enfant, taille du couteau). 

 

Dans mon ordinateur, une seule représentation, celle produite par l'atelier de Giovanni Bellini (1500, HB, Londres NG). Ici, tout est retenu et délicat dans une quasi-absence de décor. Pas de grand couteau ni de bassin pour recueillir le sang. L'enfant attend, sans rien dire. J'aime bien l'aide qui retient le vêtement de l'officiant (qui ressemble beaucoup à un prêtre), autant pour lui dégager le bras que pour montrer au spectateur la splendeur de son vêtement avec cette doublure rose et ses broderies très orientales qui ornent sa manche. Notez la signature de l'artiste au bord de l'oeuvre.


La Présentation au Temple (de Jérusalem) a lieu, quant à elle, début février. Il s’agit là-encore d’un rituel juif : le rachat du premier-né masculin à Dieu. Dans l’épisode, le prix du rachat consiste souvent en deux tourterelles. À cette occasion, la famille rencontre Syméon, un vieil homme qui avait été averti par le Saint-Esprit qu’il ne mourrait pas sans avoir vu le Christ et qui bénit l’enfant.

On fait souvent de Syméon le grand prêtre, alors que ce n’est pas nécessaire. Et le sacrifice des colombes annonce évidemment le futur sacrifice de Jésus, tout en faisant écho au sacrifice d’Isaac par Abraham dans l’Ancien testament.

Et oui, c'est encore Vic ! Ces fresques constituent décidément une représentation très complète de la vie de Jésus. Ma photo est centrée sur l'architecture, censée évoquer la ville de Jérusalem.

C'est la photo de Wikipedia ! Marie et Joseph ont été remplacés par Marie et Anne. Anne, pas la mère de Marie, mais Anne la prophétesse, qui joue le même rôle que Syméon, à qui Marie tend l'enfant. La mère et le fils sont donc encadrés par ces deux prophètes. Réflexion faite, Joseph n'est pas représenté une seule fois à Vic. L'essor du culte marial n'est pas une légende !


Tintoret (Toulouse, Fondation Bemberg). Sur la table (qui ressemble à un autel), Jésus et une tourterelle, posés en parallèle. À droite, la Vierge agenouillée. Je suppose que Joseph est l'homme debout à droite. Ici Syémon porte la mitre d'un évêque, ce qui renforce la contagion iconographique (et qui est tout à fait habituelle : n'est-il pas normal de présenter l'enfant Sauveur à un dignitaire ecclésiastique ?). Nous retrouvons le geste de l'aide à l'extrême gauche : son geste apporte du mouvement et un jeu d'ombre et de lumière. Ce Syméon semble plein d'énergie, venant à peine de s'asseoir. Je note aussi une femme dans la foule, enveloppée dans un manteau rayé orange et noir, faisant écho à ce jeune homme contemplant les tourterelles, portant le même vêtement. J'y verrais volontiers Jean-Baptiste et sa mère, Elisabeth.
Ce petit tableau est accroché au-dessus d'une porte de la Fondation et n'est pas vraiment indiqué. Mais difficile de louper le coloris de Tintoret, avec ses traits de lumière caractéristique, cette palette de oranges, rouges, roses, bruns. Regardez comme une simple nappe ou un vêtement peuvent sembler plein de vie et de mouvement.

Série iconographique. L'Enfance de Jésus : le début de la série ; Adoration des bergers ; Adoration des mages ; Vierge à l'enfant ; Vierge à l'enfant, second volet ; le Massacre des innocents ; la Fuite en Égypte.
La semaine prochaine, nous admirerons quelques adorables scènes de famille.



10 commentaires:

  1. "n'y a pas coupé" : tu as osé! ^_^
    Bien vu, le détail des rayures orange et noir. Et du manteau replié.
    Les tourterelles indiquent une famille assez pauvre (sinon c'est un agneau), cérémonie aux quarante jours après l'accouchement, expiation pour la mère.
    Inépuisable Vic!

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    1. Oui, j'ai osé, j'avoue tout.
      Les fresques de Vic sont bien, elles sont pédagogiques et tout. Je regrette de ne pas pouvoir photographier celles de St Savin sur Gartempe pour illustrer l'Ancien testament !

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    2. On n'a pas le droit? Ou c'est loin de chez toi?

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    3. C'est un peu loin, près de Poitiers, et on n'a pas le droit de photographier. Et puis les fresques sont sur la voûte, loin du sol. En revanche, on peut photographier la copie de la Cité de l'architecture, mais ça a moins de charme.
      Si tu ne connais pas, il faudrait que tu ailles voir ça !

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    4. A une centaine de km de chez moi, je ne connaissais pas, ça m'a l'air wahou, prévoir jumelles...
      De toute façon, sans téléobjectif ou matos correct, on ne doit pas voir grand chose. Et puis, juste les yeux et pas de photo, c'est un concept. ceci étant, ton blog dit Snif.

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    5. Ils fournissent les jumelles. On voit très bien. Vas-y et arrête-toi à Chavigny, l’église est aussi très belle.

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  2. de bien beaux tableaux pour une pratique un rien barbare !

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    1. Certains tableaux sont impressionnants et jouent complètement sur le côté menaçant, mais Bellini me semble très bien.

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  3. J'ai photographié un tableau du musée national d'art antique de Lisbonne sur la circoncision d'un maître inconnu (1550). La caricature (certainement de caractère antisémite) est saisissante.

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    1. Ce qui est logique : si la Circoncision annonce le futur martyre de Jésus, dans ce cas il est normal d’y placer les futurs bourreaux dans une logique antisémite classique (le fameux « il le leur livra »).

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