La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 19 décembre 2023

Peuple, un jour tu accrocheras tes mains lasses aux grilles, dans un vrombissement de ruche.

 


Italo Calvino, Liguries, traduit de l’italien par Martin Rueff, recueil de textes édité en France par Nous (édition bilingue).

 

C’est un recueil de textes. Il est d’abord question de la Ligurie de l’intérieur, celle qui n’est pas sur la Riviera, dans des textes datant de l’immédiate après-guerre et des années 70. Les paysages de restanques, avec les paysans et les oliviers, qui ne sont pas dans la grande industrie, qui se débattent dans la misère. Il y a déjà alors la culture de fleurs, très exigeante. Il est aussi question de la Résistance pendant la guerre.


Le paysage est une irradiation de flèches qui se poursuivent dans toutes les directions, un espace qui appelle toujours d’autres espaces et dont il est difficile d’établir les limites.



Calvino s’efforce de dresser un panorama de la région d’avant la grande autoroute qui longe le littoral depuis Nice, en montrant que la Ligurie a une vie en dehors de la côte et qu’il s’agit, au contraire, d’une région semi-montagneuse, structurée par des vallées. En le lisant aujourd’hui, quelques semaines après avoir parcouru ce trajet interminable de viaducs et de tunnels, je trouve la perspective très intéressante !

Un texte porte pour Savone, aujourd’hui un nœud autoroutier, portuaire et ferroviaire. Je me suis réjouie d’avoir trouvé quelques pages sur Gênes, ville que j’aime tant.

Il y a aussi une réflexion sur la description de paysage, genre qui nécessite une attention à l’histoire, à la géographie et aux humains qui habitent là. C'est une certaine école du regard pratiquée ici par Calvino.

 

Il convient de rappeler que la Ligurie par le passé – et je parle d’un passé qui n’est pas si éloigné que cela – ne se définissait pas comme un ruban routier littoral selon l’image que nous nous sommes faite désormais. On avait coutume de la voir en un sens perpendiculaire à la côté : c’était le cas des marins qui s’orientent encore aujourd’hui sur ses clochers pour tracer leur route vers les ports ligures, mais c’était aussi le cas des voyageurs qui parcouraient les routes le long des vallées qui reliaient la côte aux centres de la plaine d’Italie, en passant par le dôme des montagnes.

 

Ici ce qui se présente au regard des équipages à peine débarqués c’est le monde du provisoire : des petits bars, des escaliers de tavernes, des odeurs de fritures venues des bistrots, des agences de navigation, des sonorités éraillées venues des radios et des juke-boxes. Alors que le monde flottant qui, de l’autre côté de la rue, présente ses cheminées au-dessus des installations portuaires apparaît comme le règne de la stabilité, de la permanence.

 

Ces quelques essais sont suivis de poèmes écrits pendant la guerre. Ils traduisent avec pudeur le lien de l'auteur à son pays, à sa région et aux individus qui habitent et défendent cette terre.


Qui parmi ces gens

oseraient chanter par les champs ?

Que la pioche ici

rompe la terre et le silence

en rythmant le mouvement des épaules.

Et qu’un frêle figuier

se torde au bord de la restanque.

 

Calvino sur le blog :

Les Villes invisibles
Si une nuit d'hiver un voyageur
Le Baron perché
Le Vicomte pourfendu
Le Chevalier inexistant


Cela aurait dû être une lecture commune Calvino avec Marilyne, mais elle ne peut pas être là. On lui fait des bises.

Keisha a lu Marcovaldo ou les saisons en ville.


Et jeudi, il y aura encore Calvino sur le blog.


Trois photos de la Ligurie prise depuis l'autoroute courant novembre.





10 commentaires:

keisha a dit…

Connaitre le coin est sans doute un plus?
Avec Calvino nos avis diffèrent, j'ai aimé Marcovaldo et Les villes invisibles, tu es plus réservée, quant au baron perché, je l'ai lâché dans ses branches... tout en captant bien la richesse du texte.

nathalie a dit…

Faudrait que je retenté Les Villes invisibles... Mon préféré de la trilogie est le Chevalier inexistant ! Magnifique.

Sandrine a dit…

J'ai failli vous rejoindre pour cette LC en relisant avec grand plaisir "Le baron perché". Malheureusement, je n'ai pas pu finir dans les temps ma relecture... je travaille trop ;-)

nathalie a dit…

Ce n'est que partie remise... après tu enchaîneras avec les deux autres !

Marilyne a dit…

Merci pour les bises. J'avais également lu, avec intérêt, un recueil de textes : " Pourquoi lire les classiques ".

nathalie a dit…

Je l'ai lu aussi mais sans le chroniquer, je ne savais pas bien quoi dire. Il faudrait que je le reprenne, il y a plusieurs passages consacrés à Stendhal. Et puis le premier texte du recueil est lumineux aussi.

Carmen a dit…

Magnifique région. Je note de Calvino.Jamais lu l’auteur.
Et l’occasion de goûter pour ces Fêtes un Pandolce,genre de Panetonne.

nathalie a dit…

Ah c'est bon le pandolce, je m'en étais acheté à Gênes.

claudialucia a dit…

Gênes que tu aimes tant ? Je n'ai passé qu'un week end à Gênes quand j'étais jeune mais sans être convaincue. Il faut dire qu'à l'époque j'étais éblouie par Florence et Venise !

Nathalie a dit…

La ville est magnifique. Le mépris des Français pour Gênes est très agaçant. Tu n’as plus qu’à lire mon billet !!