Dernier billet toulousain.
L’une des raisons pour lesquelles je souhaitais absolument visiter Toulouse cette année est l’exposition que le Musée d’archéologie consacre aux Wisigoths. J’ai des lubies comme ça, ne me jugez pas.
Les Wisigoths ? Un nom qui ne nous dit pas grand-chose, à part dans des jeux de mots fins à base d’Huns et d’Ostrogoths.
Le début de l’exposition est un peu déstabilisant, car nous voici très loin de Toulouse, en Poméranie et en Ukraine, on se demande bien pourquoi on nous fait démarrer d’aussi loin.
Grossier résumé… Le point de départ est autour de la Baltique, sur le rivage de l’actuelle Pologne. Avec peut-être des populations ou du moins des familles royales provenant de Scandinavie. Les archéologues trouvent leurs traces aux alentours du 1er siècle de notre ère.
À la fin du IIe et au début du IIIe siècle, ces gens migrent vers les terres fertiles situées sur les rives de la Mer Noire. Les archéologues commencent à identifier différents peuples, dont nos futurs Wisigoths. Les Goths sont alors aux frontières de l’Empire romain (cela se passe plus ou moins bien, mais disons que les choses romaines ne leur sont pas totalement étrangères). C’est aussi à cette époque qu’ils passent du paganisme au christianisme.
En 370, les Huns venus d’Asie centrale poussent de nombreux peuples vers l’Ouest. Les Goths s’installent alors dans l’Empire romain. Ils veulent être un peuple fédéré : nous entrons au service de l’Empire et en échange vous nous donnez des terres. L’accord ne se fait pas vraiment. Batailles, errance toujours plus vers l’Ouest. En 410, les Goths pillent Rome et capturent la sœur de l’empereur, dans l’espoir de fonder une dynastie régnante romano-gothique.
Diane chasseresse, marbre, trouvé en Gironde, mais fabriquée en Asie Mineure (Musée d'Aquitaine). |
Pendant quelques années, les Wisigoths sont employés par l’Empereur romain d’Occident pour maintenir l’ordre en Espagne, notamment contre les Vandales. Finalement, en 419, l’Empire décide de les fixer dans le Sud-Ouest de la Gaule. Pour les Wisigoths, fin du périple. Pour les Romains, pacification et maintien de l’ordre dans une région de l’Empire.
Ici, réflexion personnelle : je trouve toujours très mystérieuses ces migrations des peuples, qui parcourent en 100 ans des milliers de kilomètres. Des bandes guerrières, mais aussi des familles. Il faut imaginer les animaux et les chariots pour emmener tout le monde. Avec des éclaireurs, car on ne part pas complètement dans l’inconnu. On sait que loin dans telle direction il y a des villes ou des terres ou des possibilités d’alliance militaire. Mais que pouvait-il bien se passer dans la tête de ceux qui partaient, erraient, sans savoir s’ils pourraient s’installer quelque part, avec la crainte de s’arrêter quelque part, de perdre le groupe ? Les grandes flèches colorées qui traversent les cartes de l’Europe de cette époque m’impressionnent.
Sceau d'Alaric II, Ve siècle, Kunsthistorisches Museum Vienne. Le saphir indique qu'il s'agit du sceau d'Alaric II, dernier roi des Wisigoths en Gaule. |
Bref, les Wisigoths sont à Toulouse. S’agit-il d’un royaume ? ou d’un état subordonné à l’Empire romain d’Occident, puis d’Orient ? On note que les Wisigoths ont toujours profité des faiblesses de leurs voisins pour augmenter le territoire qui leur était dévolu, s’étendant en Espagne et sur les côtes méditerranéennes. On note aussi qu’ils ont toujours joué la carte « fidélité à l’Empire » puisqu’ils participent avec les Romains à la bataille des champs Catalauniques en 451 face aux Huns d’Attila.
Plat en argent avec un sanglier, Ve siècle, trouvé à Toulouse (Musée national de Varsovie)
À Toulouse, il faut imaginer un partage des terres entre les Romains et les nouveaux venus. Il y a un palais, des églises. Les archéologues ont trouvé des tombes avec des squelettes aux crânes allongés, typiques de la culture goth (encore un truc mystérieux).
En 507, les Wisigoths perdent la bataille de Vouillé contre les Francs. Leur territoire se réduit progressivement, les contraignant à se réinstaller en Espagne et à créer une nouvelle capitale à Tolède. Tolède ! Où l’on voit de beaux vestiges ! Il y a aussi des objets au musée archéologique de Madrid. Le dernier royaume wisigoth s’écroule au début du VIIIe siècle, face aux armées berbères et arabes.
Grande désillusion : ces fibules en forme d'aigle, en décor cloisonné, qui, à nos yeux sont emblématiques des wisigoths, ne le sont pas en fait pas tant que cela. Cet aigle était à l'origine un élément de la parure féminine aristocratique en Europe de l'Est. L'objet se répand et se diffuse – comme toute mode. Sa production atteint son apogée vers 500-530. Ces fibules étaient produites en Italie, en Gaule, en Espagne. On les trouve chez tous les peuples et pas seulement chez les Wisigoths. Il y en a eu de très belles et très précieuses, mais beaucoup étaient plus simples. Cet élément de distinction s’est généralisé et de fait, a perdu de son prestige.
N’empêche… elles sont magnifiques !
Une émission de radio sur l'exposition.
Voilà. Il est temps de boire un thé glacé et de manger une glace dans le jardin du musée archéologique.
Visite de Toulouse : un tour dans les rues ; les façades des hôtels particuliers de la Renaissance ; basilique Saint-Sernin ; visite de quelques autres églises ; le couvent des Jacobins; visite du Capitole.
Après une courte interruption, le blog reprendra ses pérégrinations.
Merci pour cette promenade géographique et historique. L'expo était bien? Je partage ta réflexion sur ces migrations quasiment sans repères et si difficiles à concevoir pour nous aujourd'hui avec notre compréhension générale de la géographie.
RépondreSupprimerJ’ai trouvé ça très intéressant oui, j’ai appris beaucoup de choses.
SupprimerOui ces objets sont splendides. Quelle histoire compliquée ! J'ai déjà lu des livres sur les grandes invasions mais il est difficile de tout retenir. En fait ils partaient parce qu'ils y étaient obligés, "poussés", comme tu le dis, par des peuples belliqueux, eux-mêmes à la recherche d'un pays plus hospitalier. Mais aussi certainement chassés par la famine, les épidémies, les catastrophes naturelles. Ou tout simplement par la soif de conquêtes de chefs ambitieux ? On peut tout imaginer !
RépondreSupprimerOui c’est compréhensible en théorie mais au niveau des gens je me demande ce qui se passait dans leur tête. Et quelles connaissances ils avaient des territoires où ils allaient, comment ils en avaient entendu parler, tout ça.
SupprimerC'est surtout en eEspagne que j'ai rencontré les Wisigoths. J'aurais bien aimé voir cette exposition
RépondreSupprimerMoi aussi, je les ai rencontrés à Tolède.
SupprimerL'expo se poursuit jusqu'en décembre, tu as encore le temps d'y aller !
J'ai pris le temps de lire ton billet ce matin (et même d'aller sur le bilent à Tolède), et c'est passionnant. Merci d'éclaircir tout cela en peu de texte. Oui, ces gens qui partaient comme cela, on peut imaginer en 'sauts de puce', avec des guides?
RépondreSupprimerMais quand même, quel voyage ! Les distances sont énormes. C'est impressionnant.
Supprimer(et merci beaucoup pour ta fidélité)