Drago Jančar, Katarina, le paon et le jésuite, traduit du slovène par Antonia Bernard, parution originale 2009.
Tout commence par une femme qui se donne à un homme avec sensualité. Et ensuite c’est le chaos dans un petit village, les animaux sont pris par le démon et se noient par milliers. Et le lecteur comprend que cette chaude nuit n’était qu’un rêve ou un espoir.
Nous sommes au milieu du XVIIIe siècle et Katarina, une jeune femme frustrée par sa vie, décide de partir avec la troupe des pèlerins. En route pour Kelmoraïn. Sous ce nom mystérieux, vaguement oriental, se cachent Cologne et les reliques des rois mages. En route, elle rencontre diverses personnes, plus ou moins bonnes ou mauvaises, et Simon, un jésuite défroqué. C’est la brûlure de l’amour. Mais l’Europe est en guerre. Et puis une jeune femme, même quand elle a 30 ans, est toujours sous la responsabilité des hommes. Et puis il y a des bons et des mauvais anges. D’autant que Simon est en pleine crise de conscience et traîne dans sa tête les souvenir sanglants d’une mission au Paraguay et que Katarina doit surmonter ses années de désir inassouvi.
Elle fit un pas, par pure curiosité, librement, car c’était la nuit, elle était libre, elle avait derrière elle le premier jour de marche, elle pouvait faire un pas où elle avait envie, soudain elle était en sécurité dans la foule des pèlerins, elle s’approcha du feu protégée par tous les anges et par le regard de sa mère depuis le ciel.
Je le dis de suite : j’ai trouvé ce beau roman un peu long. J’aurais aimé que l’histoire d’amour soit plus apaisée #TeamMidinette et puis les affres psychologiques sur le bien et le mal qui habitent Katarina ne sont pas trop ma tasse de thé. Et pourtant c’est son humanité, tendue entre le jésuite et le paon, entre l’amour sensuel et le vœu de pèlerinage, entre la miséricorde et la tentation de s’avilir, qui fait avancer le roman.
Pourtant j’ai aimé cette plongée dans cette Europe encore obscure, où les armes et la connaissance du monde (avec ces Jésuites qui vont et viennent sur toute la planète) se mêlent aux croyances mystiques et vaguement païennes. Le mélange des deux est très réussi. C’est un monde où la magie se mêle à toutes ces choses terrestres et font mouvoir les êtres humains. Êtres humains qui sont en proie aux contingences d’ici-bas, au froid, à la saleté, à toutes ces contrariétés.
Depuis Dieu là-haut que nous aspirons tous à rejoindre, où aspirent nos âmes, jusqu’au diable ici-bas, dans la boue sous nos pieds, qui se traîne autour de nous et nous murmure ses paroles dégoûtantes, voilà tout ce qu’il y a là dans l’entre-deux, toutes nos vies sont étendues entre ces deux pôles, le haut et le bas, voilà ce qui détermine chacun de nos actes.
Lieferinxe, Pélerins sur la tombe de Saint Sébastien, 15e, Palais Barberini |
Il y a aussi la belle évocation du chantier de la cathédrale de Cologne, chantier mythique également présent dans Guerre et guerre, un chantier comme un centre du monde.
Une langue foisonnante, chargée, qui ne s’arrête pas, qui s’enroule et se déroule. Un gros fleuve boueux, avec un fort courant.
La rougeur recouvrit également ses pensées lorsqu’elle réfléchit à la façon dont cela allait se passer pendant ces voyages avec ces matières qui viennent du corps, avec l’eau plusieurs fois par jour, avec les selles une fois par jour et avec le sang tous les mois, à vrai dire, de tout ce qui était lié au grand voyage, c’est cela qu’elle craignait le plus, davantage que les brigands et les guerres, les inondations et les tremblements de terre.
L’avis de Passage à l’Est. Elle souligne l’usage du rêve comme un moyen d’économiser la narration et de ne pas raconter l’événement et de faire basculer le lecteur directement plusieurs jours après.
On me recommande également La Fuite extraordinaire de Johannes Ott du même auteur, qui fait partie des titres épidémiques.
C'est ma dernière participation au mois de l'Europe de l'Est sur les blogs. Récapépète :
Bohumil Hrabal, Moi qui ai servi le roi d’Angleterre (République tchèque)
Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux (Russie)
Théodora Dimova, Les Dévastés (Bulgarie)
Daša Drndić, Sonnenschein (Croatie) lecture complétée par Trieste ou le sens de nulle part de Jan Morris (lecture britannique, mais qui apporte un éclairage intéressant)
À quoi il faut ajouter L'Ukrainienne de l'autrichien Joseph Winkler (qui ne compte pas dans le mois thématique, mais avec un lien évident)
Et donc aujourd'hui, la Slovénie.
C'est un bel ensemble de pays !
Merci à Et si on bouquinait pour cette organisation. Beaucoup d'excellentes lectures à lire et à découvrir.
C'est surtout à moi de te féliciter pour ces si belles participations, si variées ! Oui, c'est un bel ensemble de pays, et je suis heureux que tu aies chroniqué ce livre qui est encore sur ma liste pour cette année ! Malgré les longueurs, c'est le dépaysement qui me tente beaucoup.
RépondreSupprimerEt moi je vais tâcher de me procurer un autre titre pour continuer sur ma lancée.
SupprimerJ'ai bien participé cette année, j'ai arrêté, et me prépare pour le mois belge!!!
RépondreSupprimerPour la Belgique, je vous regarderai et noterai les lectures.
SupprimerJe ne te sens pas entièrement enthousiaste et pourtant certains aspects du roman me plaisent à priori.
RépondreSupprimerOui, j’ai aimé malgré certaines réserves. Je vais continuer à lire l’auteur, qui me semble malgré tout très intéressant.
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