La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 22 juin 2024

La Déposition et la Mise au tombeau

 


Petit récit en image de la Passion. La semaine dernière, Jésus est mort. Il faut à présent le décrocher de la croix et l'enterrer. En 2020, je vous montrais l'extraordinaire Descente de croix de Van der Weyden, conservée au Prado, un chef d'oeuvre absolu. Il y avait également une toute petite sculpture en ivoire, une Pietà du Greco, aux fabuleuses couleurs, la peinture du Rosso et encore d'autres belles oeuvres.

Cette année, nous varions davantage les techniques.

Matisse, La Descente de Croix (1949 dessin préparatoire au fusain pour le Chemin de croix de La Chapelle du Rosaire à Vence, conservé sur place). Il y a quelques semaines, je vous montrais le dessin pour le partage des vêtements, également pour ce projet.

La représentation de la descente de Croix s'inscrit bien évidemment dans une longue tradition artistique, dont je montre d'ailleurs quelques exemples. L'économie de moyens de Matisse est à saluer : quelques grands traits pour La Croix et les échelles, deux figures symétriques pour soutenir le corps de Jésus, une femme assise sur le sol et trois figures accueillant le corps, dont celle d'un soldat romain. C'est extrêmement simple et lisible. Tout le récit est là, dans ce corps mort qui ploie au centre du dessin.

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À gauche La Déposition du Christ de Preti  (1675, collection De Vito). Une belle composition baroque avec le corps de Jésus qui occupe toute une moitié de la peinture, magnifique et presque intact, alors que l'on ne voit des autres personnages que des fragments de tête. Originalité du point de vue et du cadrage, avec cette composition totalement décentrée qui laisse le ciel désespérément vide. À la fois sobre et somptueux.

À droite La Descente de croix de Rubens (1617, Lille BA) réalisée quelques années après le triptyque de la cathédrale d'Anvers. Une grande machine baroque ! Où l'on constate que Matisse connaissait bien cette peinture (ou celle d'Anvers) et en a retenu les grands lignes de la composition. Il y a tout dans cette peinture : une robe rose, le pied de Jean qui bascule à la fois sous le poids du corps de Jésus et à la fois pour le retenir, des aides musculeux, des lueurs rougeâtres...

À gauche, La Descente de Croix du Tintoret  (XVIe siècle, Caen BA) et à droite un détail de La Descente de Croix du même Tintoret  (1578-80, Strasbourg BA). Notre vénitien y multiplie les figures dans des poses contournées : le corps de Jésus apparaît à l'arrière-plan, si petit (contrairement à la toile de Preti où il est si imposant) entre les bras des aides et on tend un grand drap pour le déposer. Finalement, c'est Marie qui est au premier plan, vue depuis ses pieds.


Une Descente de Croix copiée d'après Rogier van er  Weyden (fin XVe, trésor de la cathédrale de Bruges). Cette peinture mêle une descente de croix et une piétà dans une même représentation. Elle n'est pas sans faire penser aux deux peintures de Morales que je vous avais montrées en 2020.


Une Pietà de Giovanni Bellini (1460, Brera). Une oeuvre d'une immense beauté qui saisit les visiteurs du musée. L'impression est très sobre, presque minérale, comme dans un tableau de Mantegna, mais les couleurs de la tempera sont si intenses ! Et puis il y a des détails très raffinés : le col du vêtement de Jean avec ses plis dorés, les bouclettes de Jean d'un beau blond vénitien, les cheveux de Jésus, le cartel de la signature en bas, le visage de Jésus si serein. Et surtout les deux têtes de la mère et du fils dans un ultime rapprochement.
Une Pietà qui est presque un Ecce Homo... voici l'homme après sa mise à mort.

Ex voto anonyme pour les Pénitents blancs (1672, Musée Arlaten). Un exemple intéressant car il montre que la représentation de la Pietà est insérée dans un ex voto collectif pour une chapelle.

Pietà de Maragliano (XVIIIe siècle, visible à l'église San Filippo di Neri à Gênes) (billet sur les églises de Gênes). Une grande sculpture en bois peint ! Le beau baroque génois, très expressif et pathétique.


Le Christ au tombeau de Girolamo Marchesi  (XVIe siècle, Lille BA). On est assez proche d'une descente de croix, ou d'une lamentation sur le Christ mort (image servant de support à la méditation), mais Jésus est sur le point d'être déposé dans son tombeau, dont le bord apparaît en bas de la peinture. Le corps est soutenu par les deux hommes qui le présentent au spectateur, tandis que Marie-Madeleine embrasse ses blessures. L'atmosphère est très sereine et le coloris est intense. Et que ce Christ est beau, dépouillé de toutes ses souffrances.


Une Pietà du XXe siècle : celle de Louis Bouquet (1911 coll. privée dépôt à Lyon BA), d'une sobriété puissante, avec ces deux corps qui se superposent, ces couleurs non naturalistes, très expressive.



Deux détails du triptyque de Robert Campin (vue complète sur Wikipedia) conservé au Courtauld. À gauche, vue du sinistre Golgotha. Les corps des larrons sont toujours suspendus tandis que celui de Jésus est déjà descendu. À droite, c'est un détail du panneau central représentant La Mise au tombeau, avec un ange qui essuie ses larmes. Le fond d'or orné de rinceaux apporte une richesse particulière à cette oeuvre.


Troisième et dernière semaine : vous reconnaissez le retable de Jean Poyet (visible dans la galerie à côté de l'église Saint-Antoine de Loches) (et visible en entier ici). Les couleurs sont décidément renversantes. Tandis qu'au premier plan, on s'apprête à soulever le corps de Jésus sur son linceul, à l'arrière-plan on prépare le sarcophage (vous voyez deux hommes qui tiennent le couvercle à la verticale) dans le caveau creusé dans le rocher. Les saintes femmes et le donateur sont en prière. Est-ce le donjon de Loches au fond, dans le paysage ?


Déploration sur le Christ mort du Maestro di Santa Maria Maggiore  (1480, bois, Palais madame de Turin). Vous ai-je dit que j'aimais ces grandes compositions de bois ? Je note les visages pathétiques des femmes, pleureuses, invitant le spectateur à participer à ce moment.


Nous retrouvons le peigne liturgique en ivoire de morse (XIIe siècle, fabriqué en Angleterre,  musée de la Princerie de Verdun) que je vous ai montré à propos de la Cène. On voit à gauche en haut et en bas les soldats qui gardent le tombeau. Dans le bandeau central : à gauche la mise au tombeau et à droite les saintes femmes venant le lendemain et trouvant le tombeau vide (enfin, il y a un ange). À droite en haut un ange et en bas : noli me tangere.
Un tout petit objet mais d'une extrême richesse. Le détail des ornements est tout bonnement incroyable.


Le Christ au tombeau de Jean-Jacques Henner (1884 Lille BA). Un tableau puissant de sobriété, très espagnol dans ses couleurs.


Jésus-Christ mort au sépulcre (dit aussi Lamentation sur le Christ mort) d'Andrea Mantegna (1483, Brera). Un chef d'oeuvre du genre.
Dans un raccourci saisissant le peintre nous met sous les yeux les deux pieds nus et percés de Jésus, son corps nu, magnifique et presque intact (il y a une indéniable érotique du corps de Jésus dans le catholicisme), le visage comme endormi et l'auréole si fragile. La gamme de couleur est très restreinte et la peau, les tissu et le marbre se mêlent étroitement. Sur le côté, deux fragments de visage en train de pleurer.

Le sujet est riche, je crois que le billet est trop long.
Désormais, Jésus est mort et enterré. Mais la semaine prochaine... peut-être que...



2 commentaires:

  1. Je subodore le sujet de la semaine prochaine... ^_^
    (et oui le retable a mis du temps, mais il est dans le billet) (pas la semain prochaine, à moins que j'aie raté un quatrième volet du tryptique ^_^)

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  2. @Keisha : oui il y a un suspense de folie... le retable va-t-il se multiplier et faire des petits ?

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