La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



mardi 29 septembre 2015

Il savait que les mots blessent les survivants et irritent ceux qui n’ont pas survécu.

Antoine Volodine, Des anges mineurs, 1999.

Une suite de textes très courts, portant chacun le nom d’un personnages, campant plus ou moins le même univers. C’est un monde où la révolution communiste a avorté, où le capitalisme a essayé de revenir, où il y a eu une période de camps, un monde où le sable recouvre tout très lentement et où les humains sont de moins en nombreux. On est entre grandes villes qui se détraquent peu à peu et steppes mongoles habitées par des vieilles femmes maniant la carabine. Le temps est long, un instant dure en réalité plusieurs années et il n’est pas rare qu’une vieille ait plus de 200 ans. Ce n’est pas le récit d’une apocalypse brutale, mais celui d’un lent et inexorable délitement.
Mais ce qui compte, ce sont ces portraits et le souvenir, même faux, même fragmentaire, des personnes et des noms. Certains portraits se répondent entre eux. On trouve un homme venu d’un autre monde qui essaie de récolter des informations sans respirer. Un groupe de voyageurs à la découverte de quelques rues et d’un garage. Un autre homme fabriqué par les vieilles à partir de chiffons à qui elles ont insufflé la vie par leurs chants. Un échassier un peu trop individualiste.
 
Un monolithe dans la plaine du Kobdo, 1909, Musée Guimet, image RMN
Je préfère les romans suivis, même si ces récits ont une progression. À mon sens, la perception de l’univers de Volodine est meilleure dans les romans. Le charme (ou l’agacement) de ces portraits d’anges mineurs vient de la répétition de certains thèmes ou de certaines formules. L’humanité semble se condenser dans quelques mots, quelques rêves, quelques discours, comme si c’était tout ce qu’il en restait.

Inutile de se cacher la vérité. Je ne réagis plus comme avant. Maintenant, je pleure mal. Quelque chose a changé en moi autant qu’ailleurs. Les rues se sont vidées, il n’y a presque plus personne dans les villes, et encore moins dans les campagnes, les forêts. Le ciel s’est éclairci, mais il reste terne. La pestilence des grands charniers a été lavée par plusieurs années de vent ininterrompu. (…) Il faut que j’aille chez le régleur de larmes.

Volodine sur le blog : Écrivains ; Songes de Mevlido

dimanche 27 septembre 2015

Travaux d'été


Un petit haut en Liberty.


Et je me suis fait un beau chapeau.
Bilan des lectures et coutures d'été

Au mois de juin, je vous présentais une magnifique liste de lectures. Aujourd’hui, l’heure du bilan. Et je dois dire qu’exceptionnellement cette année, j’avais bien ajusté mes objectifs à mes possibilités ! D'Anthologie à Austin, j’ai lu une bonne partie des livres de l’étagère du haut - il faut prendre une échelle pour les atteindre et je n'ai jamais le courage. Je note que mes lectures m'ont fait voyager du Brésil au Japon, de Limoges au États Unis.
Le dernier billet paraîtra le 10 octobre (LC de Victor Hugo), mais dores et déjà voici le tableau de la liste de lectures qui vous donne toutes les infos sur toutes les lectures.


Une bonne grosse veste et un châle tout doux pour voir novembre en vieux rose.

Les livres marquants et recommandables sont assez nombreux :

Anonyme, Voyage à Visbecq : roman surréaliste totalement bizarre de la fin du XVIIIe siècle
Anonyme, Le Livre sans nom : polar bien connu
James Agee, Une saison de coton : les paysans pauvres du Sud des États Unis à l'époque de la grande Dépression
Anjana Appachana, Mes seuls dieux : des nouvelles pour partir en Inde aux côtés de plusieurs héroïnes féminines
Max Aub, Crimes exemplaires : des crimes si ordinaires racontés si froidement...
Ueda Akinari, Contes de pluie et de lune : contes merveilleux du Japon ancien
Aug. M., Les Souterrains de Limoges : les secrets des couvents du XVIIe siècle vus par un roman feuilleton du XIXe siècle
Jane Austen, Northanger Abbey : chef d'oeuvre de grâce et d'humour
Mary Austin, Le Pays des petites pluies : un livre trésor pour vivre dans le désert américain
Raymond Chandler, La grande fenêtre : le polar classique des années 30
Mary W. Shelley, Frankenstein : vous ne l'avez pas encore lu ?

Ajoutez Notre-Dame de Paris  de Victor Hugo, dont le billet paraîtra début octobre.

Merci au commandant de bord Lili Galipette pour l'organisation du beau voyage !

Poisson porte-monnaie
Un châle en coton violet sombre.

Challenge Destination PAL - la liste de lecture. 

Par ailleurs, nouvelle LCA (Lecture Commune Approximative) pour janvier 2016 : je compte lire Moby Dick. Si vous voulez en être, vous êtes les bienvenus.
Petit coussin renard bleu.
Au vu des coutures et du crochet, j'ai plutôt bien travaillé !

vendredi 25 septembre 2015

Quand on lit un roman anglais, on se figure être sur un champ de bataille.

Louis-François-Marie Bellin de La Liborlière, La Nuit anglaise, 1799, édité actuellement chez Anacharsis.

Une distraction gothique.
Le narrateur s’installe commodément dans un cimetière afin que l’atmosphère l’inspire et qu’il puisse écrire un brillant roman anglais comme c’est alors la mode. Là, il trouve un manuscrit…
Le manuscrit relate les aventures d’un certain Dabaud, bourgeois enrichi pendant la Révolution, qui n’en peut plus des romans mièvres de son temps et qui découvre tout à coup la merveille des romans dits anglais (que nous appelons gothiques) : écrits par des anglais, mais se passant dans les cryptes catholiques italiennes, agitant spectres, bandits et blanches héroïnes… Oui, mais voilà qu’une nuit, il s’éveille dans un souterrain mystérieux… il va vivre une vraie nuit anglaise !

Vous vous plaignez précisément de ce qu’il y a de plus beau dans votre histoire, répondit le moine ; c’est d’avoir un grand nombre d’aventures inutiles qui étonne celui qui les lit. Le héros n’est plus rien dans un roman, c’est le lecteur qui est out : pourvu qu’il frissonne et qu’il soit en suspens, les personnages ont beau faire tout ce qu’ils veulent, peu importe.

Dabaud est un bourgeois bavard et raisonneur, un lecteur de l’Encyclopédie, qui cite pêle-mêle ses lectures préférées. C’est un roman potache, mariant l’admiration pour Ann Radcliffe et l’art de la parodie, le but est plus de faire rire que d’avoir peur, d’autant que le lecteur se doute assez vite de la réalité. C’est ainsi que le texte est littéralement truffé des citations d’environ une dizaine de romans. Dabaud a conscience de devoir passer en une nuit par toutes les péripéties traditionnelles des romans anglais et ne manque pas de souligner son effroi et son plaisir pris comme à une fête foraine. Notons qu’il trouve même une véritable armoire contenant tous l’attirail nécessaire à une bonne radcliffade  (par exemple, des chandelles qui s’éteignent toutes seules).
Cadavres dans les catacombes, Lavis anonyme, école française du XVIIIe siècle,
conservé au Worcester Art Muséum, scanné sauvagement.


Le vieillard prit M. Dabaud par la main, et tous deux marchèrent vers la porte du Nord qui s’ouvrit avec un grincement aigu, avec un cri aigre, en un mot avec tout ce que peut faire une porte en pareil cas.

S’il n’est nullement nécessaire d’avoir lu des romans gothiques pour apprécier le livre (j’ai un témoin), ce n’est pas mal d’en connaître un ou deux. Mais c’est avant tout un roman pour lecteurs amoureux de la lecture, prêts à accepter les postulats de l’aventure, malgré les contradictions et les invraisemblances évidentes.

Le livre est précédé d’un point sur le succès des romans gothiques pendant la Révolution et sur leurs nombreuses parodies. Notez que Jane Austen entreprend Northanger Abbey en 1798…

On peut assurer avec vérité que jamais héros entouré de ruines, poursuivi de spectres, ébloui de lumières miraculeuses, assailli d’orages, ou attaqué par des brigands, des condottieri et des faux-monnayeurs, ne fut agité de plus de sentiments à la fois que M. Dabaud dans ce moment terrible.
-       Hélas, s’écria-t-il douloureusement, il y a sans doute pour sortir d’ici un chemin plus court que cette maudite colonnade, où je vois déjà qu’il m’arriver toutes sortes d’événements ; mais il faut bien que, comme tous les autres, je me prête à ce qu’on exige de moi pour allonger l’histoire.

Merci Marie-Neige pour la lecture.

mercredi 23 septembre 2015

J’ai compris que j’étais vieux le jour où je me suis retrouvé dans la vitrine d’un antiquaire.

Tomi Ungerer, Otto. Autobiographie d’un ours en peluche, traduit de l’anglais par Florence Seyvos, mais la 1e édition est allemande, parue en 1999. Édité en France à l’École des loisirs.

Otto est un ours en peluche, il raconte son histoire. Comment il fut fabriqué il y a longtemps dans une boutique, comment il a été offert à David, comment il a joué avec David et son voisin Oskar, comment la famille de David fut arrêtée et déportée, comment…  mais je ne vais pas tout vous raconter.
Otto raconte la guerre qui a séparé deux petits garçons qui étaient voisins et détruit une ville. Suite à une série de coïncidences extraordinaires, Otto part en Amérique auprès d’une famille noire et connaît plusieurs vies, parce qu’un ours en peluche est fait pour être aimé, même vieux et moche. Malgré les drames, on finit toujours par retrouver son doudou.



J’ai acheté ce livre après avoir visité le camp des Milles – souvenir d’une journée si particulière.

Une présentation vidéo.

lundi 21 septembre 2015

Alors on entendit la porte de fer crier et s’ébranler par un puissant effort.

Aug. M., Les Souterrains de Limoges, parution originale dans la presse en 1845, édité en livre aux Ardents éditeurs.

Authentique roman feuilleton du XIXe siècle, avec ses charmes et ses défauts.

Nous sommes à Limoges, au XVIIe siècle, dans un couvent d’hommes. Le jeune Martial, épris de science et de connaissances occultes, est accusé d’être un loup garou et de dévorer les petits enfants de la région. C’est le début. Ensuite… Martial meurt, se réveille, s’échappe par un réseau de souterrains, retrouve son amie d’enfance, rencontre une sorcière, etc.
Ce roman manie avec brio les éléments d’un bon roman feuilleton : coïncidences qui se multiplient, intrigues de succession, loup garou et sorcière, amours contrariées, château et souterrains. Le XIXe siècle aime à se plonger dans le passé où tout semble mystérieux, comme s’il s’agissait de l’âge des merveilles. Les couvents sont notamment l’objet de fantasmes pour leur capacité à engloutir n’importe qui dans un silence éternel. Dans cet univers fantastique, c’est bien entendu la justice royale qui seule peut réinstaurer l’ordre. Il manque pourtant à ce récit de la longueur. Le roman a été conçu pour paraître de semaine en semaine dans la presse et non pour se déployer largement. 150 pages, c’est un peu court pour bien développer les très nombreux personnages et décors et l’ensemble apparaît un peu trop léger. De même, j’aurais bien ajouté un peu plus de passion et de troubles des sens pour en faire un bon roman gothique (le décor s’y prête), mais j’avoue avoir pris un grand plaisir à cette lecture originale.
Forbin, Intérieur d'église, 1838 détail, Musée des Beaux-arts de Marseille, M&M

Mention spéciale pour la fin, car l’auteur récupère un détail oublié pour dresser une scène… proprement terrifiante.

L’auteur d’ailleurs… La petite préface suggère que ce « Aug. M. » pourrait être Auguste Maquet, le nègre le plus célèbre d’Alexandre Dumas, qui avait été amené à se documenter sur le XVIIe siècle pour son travail.

En effet, de l’extrémité opposée du cloître et du côté de l’église, une ombre parut se glisser comme celle d’un trépassé revenant demander aux vivants des prières pour son âme en peine. Seulement, si l’ombre marchait sans bruit, elle avançait rapidement, et elle eut parcouru toute l’étendue qui la séparait des deux moines, en moitié moins de temps qu’il n’en eût fallu, à ce qu’il semblait, à un être que la vie terrestre eût animé.


vendredi 18 septembre 2015

Encore un blessé qui cherche le grand hôpital.

Honoré de Balzac, Le Curé de village, 1841.

Un roman un peu trop catholique pour moi.

Au début du livre, Balzac nous fait le portrait de Véronique Sauviat, jeune fille assez simple de Limoges, mais qui découvre les mystères de la vie dans un roman. Il s'agit de Paul et Virginie et non de la Comédie humaine, mais c'est bien l'art du romancier qui décide de tout (ah, Honoré…). Ensuite, Véronique est mariée à un vieux, laid et riche banquier. Je dois dire que la peinture de ce couple mal assorti est assez réussie, Balzac montre là une réelle finesse d’analyse. Puis le récit s'interrompt pour faire place à la relation d'un crime et de son procès – au lecteur de lire entre les lignes. Enfin, Véronique devenue veuve, se lance dans des travaux d'irrigation pour développer un village misérable des environs de Limoges. N'ayez garde de la prendre pour une philanthrope – gens froids et sans dieu – elle est animée par les sentiments les plus chrétiens qu'ils soient. On est sous le signe de la repentance et de la rédemption.
 
Guillaumin, La Creuse et les ruines de Crozant, 1898, musée d'art de Guéret. RMN
Ce n'est rien de dire que j'ai été gênée par le message du roman, qui est assorti de réflexions contre la propriété, la démocratie, l'individualisme, etc. et pour le droit d’aînesse et la monarchie. Les personnages critiquent vertement la médiocrité de l’administration du temps qui gâche les talents de la jeunesse et Napoléon reste le modèle du grand homme (ces romantiques…). C'est dommage, car la description de la campagne inculte et de sa mise en valeur est très intéressante et représente bien les préoccupations du temps quant au développement de l'agriculture (comme dans ce roman de George Sand). Balzac a visiblement des rêves de gentleman farmer (comme dans Le Lys dans la vallée) et peut avoir lu Arthur Young. C'est aussi un roman où la province donne lieu à des développements positifs. La campagne donne lieu à des peintures apaisantes, où les animaux et les familles ont leur place. On fait facilement de Balzac l’écrivain de Paris, mais il se préoccupe aussi des changements qui interviennent dans les campagnes.

Je remarque enfin que Balzac a décidément le goût des narrations interrompues brutalement. Il aime les récits à deux faces, agencées ici assez correctement.
Je note le personnage de la mère de Véronique, figure forte et intéressante.

 Les voisins pouvaient voir de chez ces deux vieilles gens, immobiles sur leurs fauteuils comme deux figures chinoises, écoutant et admirant leur fille de toutes les forces d'une intelligence obtuse pour tout ce qui n'était pas commerce ou foi religieuse.

mercredi 16 septembre 2015

Rien ne se produit au fond des bois que le geai ne soit impatient de raconter.

Mary Austin, Le Pays des petites pluies, traduit de l’américain par François Specq, publication originale 1903, édité en France au Mot et le reste.

Petit livre très dense : un trésor.

Le Pays des petites pluies n’est pas un roman. Il s’agit de courts textes décrivant autant que possible le désert du Sud de la Californie. Encore que le terme « désert » soit loin d’être exact. Austin refuse en effet l’emploi de ce terme qui englobe toute une région dans une seule appellation du point de vue de l’être humain et en particulier du colon blanc, qui est souvent aveugle aux réalités du lieu.

Au milieu du désert, où le bétail est absent, il n’y a pas de charognards, mais si vous vous enfoncez suffisamment loin dans cette direction vous avez toutes les chances de sentir sur vous l’ombre de leurs ailes relevées. Rien de la taille d’un humain se déplacer inaperçu dans cette contrée et ils savent très bien comment cette terre traite les étrangers. On peut trouver là des indices de la manière dont un territoire impose de nouvelles habitudes à ceux qui l’habitent.

Or elle s’attache à détailler toute la diversité des existences de la faune et de la flore au fil des saisons, les altitudes, les climats... Elle en montre toute la richesse et l’originalité et présente surtout les interactions entre les modes de vie de chacun, entre une herbe et un rongeur, un oiseau et une certaine heure du jour. Ce territoire est observé à hauteur de musaraignes ou de petits oiseaux : les sources, la moindre goutte d’eau, les sentes dans l’herbe, les bruits des plantes qui poussent, le son de la rivière. La vie est passionnante vue d'en bas !

La forme d’une montagne jeune est grossièrement pyramidale et s’effile en longues crêtes semblables à des nageoires de requin qui viennent s’enfoncer et se fondre dans d’autres sierras fracassées par la foudre. De loin vous avez un effet de dent de scie, mais de près les masses de granite présentent le terrible poli hérité des anciennes périodes glaciaires.

S’il s’agit de textes plutôt contemplatifs, l’auteur désigne les plantes par leur nom scientifique et leur nom populaire, mais toujours avec une précision originale. Pas d’évocation poétique et rêveuse, mais une description au plus près du réel. Quant à la toponymie, Austin choisit volontiers les noms indiens ou mexicains, aux dépens de l’américain, y trouvant sans doute une plus grande vérité.
J’ai adoré cette lecture, apaisante, pleine d’humanité. On n’est pas dans l’amour béat et naïf pour la nature, mais dans une connaissance documentée par l’expérience et les anecdotes. Austin sait la vertu des petits insectes affairés, donne la préférence à telle montagne ou telle rivière. Elle vit ce territoire et raconte aussi l'histoire de ses habitants, humains ou non.

L’origine des cours d’eau est comme celle des pleurs, claire pour l’esprit mais mystérieuse pour les sens. Ils s’y affairent sans cesse, mais on les prend rarement sur le fait. Ici dans la vallée, l’eau ne s’arrête jamais, même à la saison où ce pingre de gel lui compte le droit d’être en mouvement. Elle met à profit l’heure du midi et tinte délicatement toute la nuit sous la glace.



Deux bémols à cette édition : l’absence de carte et de glossaire. Cela ne facilite pas la lecture.

Bien sûr, Dominique a aimé. 


lundi 14 septembre 2015

Cela a fait peur aux gens sans doute qu'un homme puisse vivre sans passé.

Jean Anouilh, Le Voyageur sans bagage, pièce créée en 1937.

J'avais lu cette pièce au collège et je suis ravie de cette relecture rafraîchissante.
Nous sommes 18 ans après la fin de la Première guerre mondiale et on amène un amnésique baptisé pour l'occasion Gaston à une riche famille dont le fils est porté disparu. On comprend très vite que d'autres familles se disputent l'homme et que le fameux fils est un sale type. La pièce raconte la façon dont Gaston est accueilli par la maisonnée et surtout la façon dont Gaston reçoit ce portrait de lui-même qui n'est pas du tout celui auquel il aspire. Le ton de la pièce oscille entre théâtre de l'absurde et existentialisme : Gaston est cet homme qui a la possibilité de tout recommencer. En dépit du caractère très sérieux du sujet, le ton est celui de la conversation aristocratique, légère, jouant sur les mots, d'une amertume sans lourdeur.

C'est un mot d'amnésique. Nous autres, qui avons notre mémoire, nous savons qu'on est toujours obligé de choisir une direction dans les gares et qu'on ne va jamais plus loin que le prix de son billet...
 
Jean Anouilh par le Studio Harcourt, 1940, médiathèque de Charenton-le-Pont, RMN
Le Bal des voleurs, pièce créée en 1938.

Dans une station balnéaire se croisent trois voleurs, experts (enfin…) en déguisement et en quiproquos, et une riche famille anglaise avec deux filles à marier. C'est une farce où chacun s'invente une identité et puis en change, où l'on se moque beaucoup et où l'amour triomphe.
Par là-dessus, la clarinette joue des airs pour souligner l'humeur du moment.

Tu n'as pas de bons yeux. Je joue un rôle. Je le joue bien comme tout ce que je fais, voilà tout. Toi, tu joues mal le tien ! Petite fille, petite fille, vous serez toujours poursuivie par des désirs qui changeront de barbes sans que vous osiez jamais leur dire d'en garder une pour les aimer.

samedi 12 septembre 2015

En balade à Martigues

En attendant la rédaction des billets consacrés au Québec, étape au Sud.

Prise d'une envie de balade cet été, je me suis rendue une après-midi à Martigues.

Martigues est une petite ville des Bouches-du-Rhône qui se pare du surnom de "Venise provençale" (bienvenue dans le club des avatars vénitiens).

Au départ, j'étais attirée par les promesses du musée Ziem. Félix Ziem n'était pas un peintre provençal, mais a visiblement beaucoup apprécié Martigues au point d'y installer par deux fois au moins son atelier et de donner une toile à la ville. C'est un peintre coloriste, dont je connaissais les vues brillantes de Venise et de Marseille.
Le musée expose plusieurs peintures et dessins de Ziem. La leçon de la lumière de Turner, la touche impressionniste, pleine de mouvement et de liberté. C'est l'occasion de découvrir plusieurs de ses oeuvres (la présentation change selon les moments de l'année).
Ziem, Trabacco à la voile jaune
Éclat, lumière et couleur. Ça flamboie.
Ziem, Constantinople, caïque avec danseuse, 1870-80 (détail)
Ziem, Venise, Grand canal au clair de lune, 1880-90
 Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au tableau londonien de Monet, Impression, soleil levant.

Le musée expose également quelques peintures fauves, objets archéologiques et objets ethnologiques. Vous pouvez lire un excellent article sur Ziem sur le blog de Peccadille.

Je me suis ensuite mise en route pour la galerie installée dans la mairie : elle fait l'histoire du site depuis la préhistoire et présente plusieurs objets archéologiques. C'est que Martigues n'est pas située exactement n'importe où : nous sommes à l'une des extrémités du canal reliant l'étang de Berre à la Méditerranée. Autant dire que l'endroit est stratégique d'un point de vue militaire, pour le commerce de marchandises et pour la pêche, depuis les sites préhistoriques, avec la proximité du gros voisin marseillais jusqu'aux installations des raffineries plus récentes.
C'est là où j'en viens à la géographie de la ville qu'il s'agit maintenant de parcourir :


Voyez comme c'est charmant ! Jusqu'à la fin du XVIe siècle, nous avions affaire à trois communes distinctes, une au Nord, l'île et une au Sud, qui ont été réunies sous l'autorité du Roi de France, qui avait besoin d'une base fiable dans le secteur. Et l'histoire de la ville peut se lire comme une histoire de ponts. L'idée étant de permettre le passage des piétons, des voitures, des bus, des camions, mais aussi des bateaux, certains étant très gros. Il y a un pont tournant et un pont levant.

Grâce à cette riche histoire et cette topographie, la balade en ville permet de voir trois églises et plusieurs façades de bâtiments très anciens.
Église de la Madeleine et le canal
Église Saint Genies au bord de l'eau
Une porte de l'église Sainte-Genies
Je compte à présent découvrir les différentes sites historiques et préhistoriques du secteur.

Point pratique si vous n'avez pas de voiture
N'allez pas à Martigues en train ! Certes, le train de la côte bleue a un trajet magnifique, mais la gare est située au milieu de nulle part. Depuis Marseille, préférez le bus n° 34 au départ de la gare.