Olga Tokarczuk, E. E., parution originale 1995, traduit du polonais par Margot Carlier, paru en 2025 en France chez Noir sur Blanc.
À Breslau, en 1908, dans une famille bourgeoise, Erna, 15 ans, voit un fantôme au repas du midi et s'évanouit. Et puis elle commence à entendre des voix. Alors que son père s'en fiche, sa mère s'enthousiasme. Une medium ! Le médecin de famille, sans être totalement sceptique, est plus circonspect. Mais enfin, nous voilà partis pour un agréable roman de mœurs.
Les esprits existaient donc sûrement, de même que l'Amérique, l'amour fou ou le crime, mais ils se trouvaient dans le lointain, hors du domaine de la vie quotidienne.
Comme dans Le Banquet des Empouses, le décor est celui de la riche société continentale du début du XXe siècle, celle qui ne se préoccupe pas des événements internationaux, mais qui se questionne beaucoup sur les fantômes, les esprits, les médiums, les spirites, la psychanalyse, l'hystérie... Erna entend réellement les voix et aperçoit d'étranges couloirs, mais nous n'en saurons guère plus. C'est que le roman alterne les différents points de vue. Celui de sa mère qui veut organiser des soirées et se réjouit d'avoir un tel phénomène à la maison, celui du vieux médecin, qui n'est pas très à fond sur le paranormal, mais qui ne qualifie pas pour autant toutes les femmes d'hystériques, un autre médecin fan de psychanalyse et un autre plutôt enclin à découper le cerveau en tranches, sans oublier les jumelles, petites sœurs d'Erna, qui ont plein d'idées.
Comparé à la blancheur immaculée de sa robe, son visage semblait gris et imparfait. Un grand nez, un front brillant, des lèvres aux coins tombants, minces comme un trait de crayon. Sa robe était mieux faite qu'elle-même, c'était une robe parasite qui lui volait sa couleur, son éclat, sa vie.
Une lecture très agréable avec plein de petites choses qui font sourire (sinon il y a aussi d'incroyables gâteaux de Noël).
Erna Elzner émergea du brouillard de l'incertitude, qui caractérise généralement l'existence des filles situées au milieu d'une fratrie dans une famille nombreuse, quelques jours après son quinzième anniversaire, lorsqu'elle s'était évanouie à l'heure du déjeuner.
L'hiver arriva, sans crier gare, avec de fortes chutes de neige. C'était comme un sous-vêtement amidonné et rigide qu'on enfilait un dimanche matin. La peau sentait son contact rugueux, auquel le corps finissait par s'habituer. Dès le lundi, ce sous-vêtement devenait familier comme un second épiderme. Les journées étaient aseptisées, sans parfums ni couleurs.
Olga Tokarczuk a obtenu le prix Nobel de littérature en 2018.
Je remets ici les livres que j'ai lus d'elle dans leur ordre de parution originale (parce que E. E. n'est pas le dernier livre de Tokarczuk, c'est le dernier traduit chez nous).

Bon, je constate que j'en ai encore à lire! Toujours intéressante, cette auteure
RépondreSupprimerA propos de Nobel, ça se passe bien avec le hongrois!
Je n'ai pas tout lu d'elle et je ne compte pas tout lire, mais j'aime bien cette veine romanesque.
SupprimerPour les Nobel, j'envisage vaguement d'en lire davantage à partir de 2026. J'ai vu que plusieurs d'entre eux avaient été réédités.
Je vais le lire très bientôt vu que j'apprécie énormément cette autrice. J'ai lu tout les "petits", il me reste les deux "gros" !
RépondreSupprimerCelui-ci est plutôt dans la veine des petits, si cela peut t'aider.
SupprimerTokarczuk est une valeur sûre (contrairement à toi, j'ai aussi aimé Sur les ossements des morts). J'ai un recueil qui m'attend pour le mois de la nouvelle (Jeu sur tambours et tambourins), et je me tournerai ensuite vers Le banquet des empouses, qui est sorti en poche.
RépondreSupprimerLe Banquet est vraiment très bien (mieux qu'E. E.), je pense que tu vas te régaler.
SupprimerJ'ai abandonné Dieu, etc. en route. Je ne suis pas sûre d'être Tokarczuk-compatible (je déteste les incursions fantastiques...).
RépondreSupprimerAh oui, dans ce cas... Note qu'E.E. est le roman le plus réaliste et le moins fantastique de tous ceux que j'ai lu d'elle (à l'exception des Ossements des morts, que je n'ai pas aimé).
Supprimerj'ai juste lu les Pérégrins, il me reste beaucoup à lire de Tokarczuk
RépondreSupprimerMais Les Pérégrins constitue déjà un très bon titre.
SupprimerMoi qui viens juste de m'installer à Menton... Voilà qu'il faut maintenant te suivre à Breslau. N'as-tu aucune pitié pour nous?
RépondreSupprimerJe préfère ne pas te dire où nous serons jeudi...
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