La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature.



samedi 2 mai 2020

La montée au Calvaire

Nous continuons notre parcours dans la Passion de Jésus et dans les beaux-arts (Nota bene : j'ai ajouté une référence musicale au billet sur l'Ecce homo).
Aujourd'hui, je vous parle du portement de croix ou montée au Calvaire.

Arrêté, jugé, condamné à mort, toujours le même vendredi matin, Jésus doit porter sa croix jusqu’au Golgotha, le lieu de l’exécution. La colline du Golgotha ou mont du Calvaire ou lieu du Crâne est  en effet située à l’extérieur de Jérusalem.
C’est là où Jésus est crucifié, mais aussi enterré selon l’une des traditions. L’église du Saint-Sépulcre a été construite sur l’emplacement supposé de la sépulture.
Lors de cette pérégrination, il y a deux épisodes saillants : 
  1. L’aide apportée par Simon de Cyrène qui aurait aidé à porter la croix
  2. Véronique, poussée par la compassion, essuie le visage de Jésus avec son voile. Le tissu porte ensuite l’empreinte de son visage. Le voile fait à présent partie des reliques de la basilique Saint-Pierre de Rome. 
On voit souvent sur les tableaux du Portement de croix le corps de Jésus écrasé par le poids du bois, le visage calme, souffrant et résigné, entouré par des soldats menaçant ou par une foule ennemie.
C'est ainsi que le représente ce vitrail daté des années 1500 (souvenez-vous, je vous ai fait tout un laïus sur Jean d'Ypres). Jésus porte la tunique pourpre et la couronne d'épines, il est pieds nus et menée par une corde - quoi de plus humiliant. Des personnages semblent l'aider à porter la croix, mais des mains l'agrippent. Un homme tient une poignée de clous et lève un bâton. Un soldat à l'armure rutilante (et pas du tout romaine) entraîne Jésus.


Cette très belle Montée au calvaire de Maurice Denis (1889) se trouve au musée d'Orsay. J'aime beaucoup la stylisation des silhouettes et le jeu très doux des couleurs. La grande croix barre le tableau. Le fond brumeux où se détache la ville de Jérusalem. La silhouette sombre de l'armée romaine (bien reconnaissable avec les enseignes) fait écho à d'autres silhouettes noires, celles des saintes femmes et celle de Véronique qui embrasse Jésus. Leur présence à ce moment annonce leur importance ultérieurement, lors de la résurrection du prophète. Jésus en rose et en roux, sur cette petite herbe rase, avec les fleurs jaunes. Que de douceur ! Que de simplicité !

Place à cette grande composition sculptée située à la Sagrada familia à Barcelone. Je vous ai déjà montré le Christ à la colonne, sculptée par le même Josep Maria Subirachs à la fin du XXe siècle. En haut, la Crucifixion. En bas, la Montée au Calvaire avec le corps de Jésus inscrit dans l'angle de la croix. Et Véronique montrant le voile, où s'est imprimé la Sainte Face, à la foule. Je trouve que la simplicité des lignes de ces sculptures les rendent très expressives et frappantes.

Autre grande composition, Le Chemin de croix  de Pieter Brueghel le jeune (1606, Gemäldegalerie Berlin). Ici on s'arrête pour regarder les détails et je ne suis pas en mesure de tous les énumérer. Mais nous sommes sur un chemin, nous nous élevons au-dessus de la ville. Au passage, dans cette ville qui ressemble beaucoup à une ville des Flandres à la Renaissance, on aperçoit un édifice circulaire : c'est le Saint-Sépulcre, soit parce qu'il est déjà construit, ou plutôt parce qu'il s'agit du moyen d'identifier Jérusalem. Au centre, il y a un petit calvaire, avec un estropié qui mendie et une bonne soeur qui fait la charité. Devant, la foule qui accompagne la montée au Calvaire. Civils, militaires, hommes, femmes, enfants, cela discute, cela gesticule. La croix de Jésus porte déjà le petit panneau INRI. Au tout premier plan, on voit Véronique qui tend son voile. Il y a aussi un pèlerin. Sur le côté droit, le groupe des apôtres et des saintes femmes se lamentent. Ils sont au pied d'un arbre, avant d'être bientôt au pied de la croix. La foule et le chemin se déroulent vers le haut du tableau, le mont pelé du Golgotha avec les croix qui commencent à se dresser là (l'iconographie est plus importante que la cohérence : la croix est en même temps sur le dos de Jésus et sur le mont, parce qu'il faut bien que le spectateur reconnaisse ce que l'artiste lui met sous les yeux).


Une peinture attribuée à un mystérieux Maître de SainteVéronique (1420, National Gallery Londres). Où l'on voit que Véronique, "vraie image" en latin a créé la première icône, avec ce visage parfaitement de face et sans profondeur.

Et maintenant, place au Greco ! Vous savez que j'aime beaucoup le Greco. Le Christ sur le chemin du Calvaire (1585, collection privée) ressemble à un Ecce homo. La seule différence est essentielle : Jésus regarde vers le ciel et le visage ravagé et apaisé tout à la fois rayonne d'espoir et de lumière. Son visage est extraordinaire. On voit aussi les gouttes de sang qui coulent et la tunique pourpre, rose ici, qui renvoie une lumière blanche.

Cette peinture qui illustre le moment qui précède immédiatement la Crucifixion : L'Élévation de la croix est une esquisse de Rubens, qui se trouve au Louvre. L'angle de représentation est très original : la croix et l'échelle tracent un autre genre de croix et ce sont les assistants des soldats qui s'arc-boutent, qui portent et font des efforts, tandis que Jésus est déjà en pleine lumière. On aperçoit une pelle qui dépasse. C'est évidemment un joli tour de force de représenter ces hommes dans des raccourcis saisissants, selon des points de vue tout à fait inhabituels. Rubens ne faisait pas les choses à moitié !


Pour finir, ce panneau saisissant de Luca  Signorelli : Homme sur l'échelle (1505, Londres National Gallery). C'est bien évidemment un fragment de retable aujourd'hui dispersé, dont le sujet principal était la Lamentation au pied de la Croix. La Crucifixion est déjà commencée, mais on ne la voit pas. L'homme tient les clous à la main, on aperçoit le Saint-Sépulcre, les soldats, saint Jean...  le drame poursuit son cours.

Les semaines précédentes : Je vous ai montré des natures mortes (XVIIe et XIXe siècles) en prenant prétexte du Carême. Puis vous avez eu les RameauxLa Cène et le Lavement des pieds. La nuit au Jardin des Oliviers et l'arrestation de Jésus. Le procès de Jésus (flagellation et couronnement d'épines). La présentation de Jésus à la foule (Ecce homo).
La semaine prochaine, ce sera l'heure de la Crucifixion.

Point Pansement : Je me suis rendue à l'hôpital mardi ! Je ne porte le pansement que pour sortir de chez moi (autant dire pas souvent en ce moment), à la fois pour protéger le front et pour ne pas effrayer le passant. À la maison, c'est front effrayant (oui il y a des réveils difficiles), mais qui se normalise progressivement. Plaie bientôt fermée. Et plus d'infirmière qui vient chaque jour !!! Liberté ! Et quand le virus sera loin, on pourra me refaire un front tout neuf ! Je suis TROP contente !

Point confinement : J'ai ouvert les albums des photos d'Oxford (c'était trop beau, je veux y retourner) et de Vancouver (ah tout ce bleu ! les orques !).

4 commentaires:

keisha a dit…

Je suis allée écouter ce Bouzignac (les arts flo,quand même!) que je ne connaissais pas. Tiens, mon dernier concert (snif, ça risque d'être longtemps le dernier), c'était une messe de G Du Fay, un mix de grégorien et de polyphonie, assez planant parfois.
Au rythme auquel tu vas, tu seras pile poil dans les temps pour Ascension et Pentecôte (si c'est prévu bien sûr)
Bon, j'apprécie toujours autant cette rubrique art.
Bon courage pour ton front. Si j'ai bien compris, il y aura une autre phase?
Oh tu es allée à Vancouver? Chouette coin (j'y suis passée en 2011)

nathalie a dit…

Pour mon dernier concert, j'hésite entre musique baroque et musique contemporaine... c'était drôlement beau en tout cas.
Je compte en effet atteindre la Pentecôte, à une date pas encore déterminée !
Pour le front : la phase "enlever la tumeur et fermer la plaie" est achevée. J'ai un front fonctionnel et moche. Reconstruction esthétique... on ne sait pas quand.
Je suis allée à Vancouver en août 2018, c'était... un merveilleux voyage ! j'en ai encore plein les yeux.
à bientôt !

keisha a dit…

Je vois que tu lis Le voyage de Marcus. Du même auteur j'ai beaucoup apprécié L'enquête de Lucius Valerius Priscus (en 2008!)
http://enlisantenvoyageant.blogspot.com/2008/10/lenquete-de-lucius-valerius-priscus.html
Erudit et pas casse pied, le rêve!

nathalie a dit…

J'ai eu Goudineau en cours à une époque lointaine et j'étais contente de tomber sur ses romans. Si ça me plaît, j'en lirai d'autres !