Timbre de Delzers, 1939, Wikipedia. |
(oui, le titre de ce billet est magnifique)
J’ai fini de lire Balzac. Ou plus exactement et modestement, j’ai fini là pour le moment mon grand tour de la Comédie humaine. Je n’ai pas tout lu, et je n’ai pas chroniqué tout ce que j’ai lu. Mais enfin, je peux me permettre un cocorico et un billet conclusif.
Que dire ?
Commençons par les points négatifs. Balzac, il ne faut peut-être pas trop en lire ou ne pas lire les différents titres de façon trop rapprochée, car on se lasse. Il y a une petite lourdeur et certains procédés un peu trop systématiques. Je suis en particulier devenue allergique au très long retour en arrière qui ouvre tous les romans et qui est censé nous expliquer tout le pourquoi du comment nous en sommes arrivés là. Bien sûr, la description de la pension Vauquer est un monument, mais enfin elle reste un peu sur l’estomac alors que l’on a simplement envie de découvrir les personnages et leur histoire (et ce procédé est loin d’être aussi réussi dans tous les romans). Au fil du temps, mon impatience a eu tendance à grandir.
De même, on ne peut pas féliciter Honoré pour son idéologie totalement sexiste, patriarcale et monarchiste. Oui, OK, c’est son époque, mais ce n’est pas une excuse. C’est d’autant plus agaçant que Balzac est un théoricien ringard, mais un très bon romancier. Quand il théorise, c’est barbant. Quelques pages plus loin, voilà que romancier prend le dessus et il campe des héroïnes tout à fait réussies, complexes et volontaires, en parfaite contradiction. C’est particulièrement évident dans Le Lys dans la vallée ou dans Mémoires de deux jeunes mariées qui contient des passages horribles sur la façon dont les femmes ont absolument besoin d’enfant pour se réaliser et juste après des évocations sensibles et subtiles des plaisirs physiques de l’amour et de l’amour maternel. Ou dans La Cousine Bette où la fameuse cousine est une méchante tout à fait fascinante pour un lecteur. Ou dans Les Chouans où Marie campe une héroïne romantique et une femme d’action remarquable (elle n'a pas dû lire Balzac). Certaines femmes du monde sont également très réussies, comme la princesse de Cadigan. Ou Honorine qui est carrément une héroïne féministe, presque malgré l'auteur. Le bon romancier est une machine à fabriquer de bons personnages. Sur ce plan, ça marche très bien !
Mais si on peut trouver ponctuellement tel roman réussi ou tel roman raté (ou disons inintéressant), cela apporte-t-il quelque chose de tout lire ? Oui, heureusement ! D’abord il y a ce monde de la Comédie humaine, où tout s’imbrique de façon plus ou moins cohérente. Je n’ai pas vraiment retenu les détails de l’ascension de tel ou tel (bisou Rastignac !), mais j’apprécie la façon dont les récits s’éclairent les uns les autres. Par exemple, le pesant, cruel et réaliste Père Goriot est à mettre en rapport avec la nouvelle L’Auberge rouge et avec le fantastique et fatal Peau de chagrin. Grâce à un personnage, la pension Vauquer prend une tonalité rouge sang tout à fait saisissante. De même, La Grande Bretèche apporte une lueur tragique à La Muse du département, qui est une histoire de mœurs plus réaliste centrée sur la vie littéraire. La circulation des personnages d’un récit à l’autre permet cette allure de kaléidoscope et ces coups de lumière un peu étonnants. Les Chouans et Pierre Grassou prennent la pose tous deux à Fougères. Le personnage de Gobseck prend ainsi une toute autre signification selon qu’il est le héros ou un personnage secondaire du récit. Impossible de figer les traits de chacun ! Et ça, c’est une force.
Tout cela traduit une vision bien sombre de la société, où les drames, les ignominies, les méchancetés et les meurtres se glissent sous les vêtements et les discours convenus.
Bisson, daguerréotype, 1842, wikipedia. |
À la fin de ce parcours, j'ai l'impression d'avoir beaucoup oublié et d'être passé à côté de pas mal de choses. Le corpus est trop grand et difficile à saisir. Inégal aussi : je retiens des détails, mais j'ai du mal à avoir une vision d'ensemble. Il faudra que je m'y remette dans quelques années...
Voilà ! Merci Honoré ! Lisez Balzac !
Adieu - Albert Savarus - Auberge rouge (l') - Autre étude de femme - Bal de Sceaux (le) - Béatrix - Bourse (la) - César Birotteau - Chef d'oeuvre inconnu (le) - Chouans (les) - Colonel Chabert (le) - Comédiens sans le savoir (les) - Contrat de mariage (le) - Cousin Pons (le) - Cousine Bette (la) - Curé de Tours (le) - Curé de village (le) - Début dans la vie (un) - Double famille (une) - Drame au bord de la mer (un) - Duchesse de Langeais (la) - Elixir de longue vie (l') - Employés(les) ou La Femme supérieure - Envers de l'histoire contemporaine (l') - Épisode (un) sous la Terreur - Esquisse d'un homme d'affaires d'après nature - Étude de femme - Eugénie Grandet- Facino Cane (1er billet) (2e billet) - Fausse maîtresse (la) - Femme abandonnée (la) - Femme de trente ans (la) - Ferragus - Fille aux yeux d'or (la) - Gambara - Gobseck - Grande Bretèche (la) - Grenardière (la) Honorine - Illusions perdues (les) - Interdiction (l') - Lys dans la vallée (le) - Madame Firmiani - Maison du Chat-qui-pelote (la) - Maison Nucingen (la) - Maître Cornelius- Marana (les) - Médecin de campagne (le) - Mémoires de deux jeunes mariées - Message (le) - Messe de l'athée (la) - Modeste Mignon - Muse du département (la) - Paix du ménage (la) - Paysans (les) - Peau de chagrin (la) - Père Goriot (le) - Pierre Grassou - Pierrette - Rabouilleuse(la) - Recherche de l'absolu (la) - Sarrasine - Secrets (les) de la princesse de Cadignan - Splendeurs et misères des courtisanes - Ténébreuse affaire (une) - Ursule Mirouët - Vendetta (la) - Vieille fille (la) - Voyage de Paris à Java
BD de Joris Clerté - Vivre avec Balzac
L'Artiste selon Balzac
Extraits du discours prononcé par Hugo aux funérailles de Balzac
Anecdotes sur Balzac par Léon Gozlan
L'Artiste selon Balzac
Extraits du discours prononcé par Hugo aux funérailles de Balzac
Anecdotes sur Balzac par Léon Gozlan
alors là bravo, j'ai beaucoup lu mais je ne t'arrive pas à la cheville, par contre je signe ton billet des deux mains je partage à peu près tout ce que tu dis et en particulier les mots de la fin : Merci Honoré, lisez Balzac cela m'a donné le sourire pour la matinée c'est certain
RépondreSupprimerMerci ! Je ne suis pas sûre d'avoir bien saisi l'ensemble de l'univers ceci dit.
Supprimerj'en ai lu pas mal, j'ai eu mes périodes Balzac, mais là : chapeau!!! C'est vrai que parfois c'est moins intéressant, mais ce romancier est incontournable
RépondreSupprimerIndividuellement, les titres sont inégaux, mais l'ensemble forme un tout cohérent et intéressant, un vrai projet !
SupprimerBravo pour ces lectures. Tu deviens une véritable spécialiste. Je suivrai ton conseil de ne pas en lire trop à la file, espacer les lectures, mais persévérer. Merci encore pour les lectures communes!
RépondreSupprimerPour être une spécialiste, il faudrait aussi que je lise ceux qui ne m'ont pas plu et que je n'oublie pas ce que je lis, j'en suis loin !
SupprimerJe suis très impressionnée, dis donc ! Pour ma part, je n'ai pas encore fini mon tour d'horizon des Rougon-Macquart. Il m'en reste très peu et je les garde précieusement. Relire, ce n'est pas pareil que lire pour la première fois. Ou alors il faut oublier ce qu'on a lu et dans ce cas-là, à quoi bon ahah. Cela fait longtemps que je n'ai pas lu Balzac. J'ai commencé il y a peu Le chef d'oeuvre inconnu en livre audio, mais vraiment, la lecture audio n'est pas pour moi. Je n'imprime rien du tout. Il faudrait que je m'y mette plutôt en lecture papier ! Pour l'instant, le Balzac qui m'a le plus touchée, c'est sans doute Le colonel Chabert.
RépondreSupprimerZola, c'est l'inverse : j'en ai lu quelques-uns mais il faut que j'entreprenne le parcours complet des Rougon. Un nouveau défi !
SupprimerBravissimo ! Quel billet ! Pourtant j'en ai lu des Balzac mais tu me fais sentir combien je suis ignare ! Je suis d'accord avec toi quand tu parles de ses faiblesses et de ses forces aussi, bien sûr !
RépondreSupprimerTu n'es pas ignare, il a juste beaucoup trop écrit.
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